Dans leur lutte pour l’indépendance, les nationalistes maghrébins ont échoué à créer un front uni contre l’occupant. Mehdi Ben Barka élargit alors son combat au monde arabe, jusqu’à devenir un acteur de premier plan sur la scène politique du Tiers-Monde.
Pourquoi est-ce Mehdi Ben Barka qui a émergé comme l’un des chefs d’orchestre de l’organisation de la Tricontinentale ? Ma réponse est que, dans le contexte international des années 1960, la place occupée par les nationalistes arabes dans le Tiers-Monde permettait à un dirigeant arabe de prétendre au rôle de chef d’orchestre. Encore fallait-il qu’il ait les qualités requises, la capacité d’organisation, la persévérance, la connaissance des rivalités et des frictions dans le Tiers-Monde et aussi le savoir-vivre qui ne faisait pas défaut à Mehdi Ben Barka. Mais il fallait aussi lever les préjugés algériens à son égard. J’y ai contribué, pour ma part, en relation avec Abdelaziz Zerdani et Abdelmalek Benhabylès. A quoi tenaient ces préjugés ? Aux divergences tactiques entre les leaders des organisations nationalistes sur les chemins empruntés pour parvenir à l’indépendance, mais aussi, à partir des années 1954-1955, sur la territorialisation des Etats.
Or, sur ces questions, il nous apparaissait que les limites de la parenté entre organisations nationalistes du Maghreb étaient d’ordre social et qu’on ne pouvait les dépasser en continuant à flotter au gré des considérations générales ou à se réfugier dans le culte des idées, ou encore à faire abstraction des situations nationales. Dans nos esprits, une décolonisation radicale, une transformation des structures sociales au bénéfice des classes exploitées par l’impérialisme comme par les nationaux, une manière nouvelle d’envisager les questions frontalières faciliteraient la convergence entre les partisans du mouvement au Maghreb. La méthode qui consiste à classer les courants révolutionnaires en fonction de la seule lutte armée (ce fut le cas du docteur Khatib) peut très bien mener les acteurs à s’intégrer au jeu des groupes conservateurs pour stabiliser le pouvoir à leur avantage et entraver l’émergence du peuple comme sujet de son destin. Or, les adversaires del’unité du Maghreb, les fanatiques des particularismes nationaux, se recrutaient dans ces groupes. Cette parenthèse fermée, revenons à l’histoire des relations entre les nationalistes maghrébins.
Par Mohammed Harbi
Lire la suite de l’article dans Zamane N°20