Le docteur Abdelkrim Khatib est connu pour avoir été, en quelque sorte, le père de l’islamisme marocain. Un titre qui reste discutable, et qu’il doit surtout au fait que l’actuel PJD, premier parti islamiste marocain, est né au sein du MPDC, le parti de Khatib, qui lui a servi de réceptacle. Ce qui est sûr, c’est que le docteur a été beaucoup plus que le simple fondateur et premier responsable du PJD. Son rôle auprès des islamistes marocains a été important, et très ancien. Il a également joué un rôle de toute première importance auprès de la monarchie, qu’il a toujours servie, même aux périodes les plus dures. Religion, politique, médecine, résistance… la vie du docteur Abdelkrim a été bien remplie. L’homme a été au cœur de plusieurs événements majeurs de l’histoire marocaine. Depuis l’époque de la lutte pour l’indépendance jusqu’aux années 2000, son rôle a été central, capital, faisant de lui, en fin de compte, l’un des personnages centraux de l’histoire marocaine contemporaine. C’est cet homme, et ce parcours hors du commun, avec ses points lumineux comme ses zones d’ombre, toujours au service de la monarchie (de Mohammed V à Mohammed VI, en passant par Hassan II) que Zamane se propose de reconstituer avec moult détails, révélations et analyses.
Il est étonnant qu’une famille d’origine algérienne puisse être makhzénienne, voire un point de confluence d’autres familles du Makzhen par moult alliances, dont les Benslimane, les Hassar, les Alaoui, ou autres familles influentes, les Boujibar (ancien ministre de la Défense d’Abdelkrim El Khattabi), et, plus important, être avec la famille royale dans des moments cruciaux, voire être à l’origine de grands choix du royaume chérifien, dont celui du parrainage des islamistes du PJD, ou, bien avant, du Mouvement populaire, avec un certain Mahjoubi Aherdane, au lendemain de l’indépendance, pour se dresser contre l’hégémonie du Parti de l’Istiqlal. Abdelkrim Khatib a fait partie de l’équipe médicale qui a opéré le roi Mohammed V dans la clinique royale le 26 février 1961. C’est lui qui a procédé, vainement, au massage cardiaque de son illustre patient. Le Mouvement populaire, plus sur instigation d’Khatib que d’Aherdane, a été une composante essentielle du Front pour la Défense des Institutions Constitutionnelles (FDIC), parti du pouvoir. En 1963, c’est Abdelkrim Khatib qui déjoue un complot contre Hassan II, quand un officier syrien, de connivence avec l’UNFP, a vendu la mèche à Khatib . C’est lui qui devait accompagner Oufkir en Suisse pour négocier avec l’officier syrien le montant de son service. Jusqu’en 1956, Abdelkrim Khatib était citoyen français parce qu’algérien. Il ne deviendra Marocain, de jure, qu’à la faveur d’un dahir et d’une grande distinction qu’Khatib n’avait à partager qu’avec Allal El Fassi. On comprendra mieux le parcours atypique de l’homme et ses accointances en procédant à une analyse de cette famille, de ses orientations, et le rôle qu’aura joué sa mère, Lalla Meriem, dans ses choix et ses orientations.
Dossier coordonné par la Rédaction
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