Les lieux artistiques au Maroc, galeries, musées, espaces artistiques privés commencent à donner de l’espace à l’expression artistique dite street art. Ces expressions qui souvent heurtaient le regard des voyageurs (en train) entre Casablanca et Rabat surtout sur le tronçon Roches Noires – Aïn Sebaâ vont avoir droit aux espaces feutrés de la ville. Cet art rebelle, semble renouer avec l’ordre social bien établi. Notre société, encore en majorité traditionnelle, rejette consciemment ou inconsciemment tout ce qui vient de la rue : l’éducation de la rue, la nourriture de la rue, le comportement de la rue…est-elle en mesure aujourd’hui d’accepter une esthétique de la rue. Mais en fait qu’en est-il de l’art de la rue ?
Selon la définition des dictionnaires, le Street Art serait un mouvement artistique contemporain qui regroupe toutes les formes d’art réalisées dans la rue ou dans des endroits publics. En français, il est dit art de rue ou art urbain. Il est caractérisé par son instantanéité, sa rapidité et par le fait qu’il soit interdit. Son but est de faire passer un message rapide et sans qu’il soit autorisé par les autorités de la ville.
Ce type d’art contemporain a une valeur subversive, les motivations des artistes sont différentes. Il est une tribune pour les artistes contemporains qui peuvent exprimer ce qu’ils souhaitent et l’afficher au grand jour, à la vue de tous. Plus que tous les autres courants avant lui, le street art flirte avec l’illégalité. Art vandale, l’art urbain ne cesse de provoquer, choquer et émouvoir.
C’est un art du dehors, qui refuse de s’intégrer dans l’institution artistique classique. Beaucoup d’artistes au Maroc avaient utilisé la rue pour protester, pour exprimer leur point de vue. La célèbre exposition de Jamaâ Lefna en 1969 à Marrakech, celle du Printemps à Tétouan où un groupe de jeunes artistes mécontents des structures artistiques de leur pays, avaient choisi de montrer leurs œuvres dans la rue. Mais à aucun moment le contenu des œuvres n’était subversif ni la prise en possession de l’espace public n’était illégale.
Il a fallu attendre les années 1990 et en relation avec les groupes de Hip Hop pour voir se propager ce genre d’expression dans les lieux obscurs et glauques de la ville blanche. On commencera par l’appeler Graffiti, avant de retrouver le terme déjà institutionnalisé en Amérique et en Europe celui de street art. Mais il resta banni ou mal accepté par les lieux consacrés de l’art.
En 2015, la ville de Rabat et le Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain s’associent avec EAC L’Boulevard pour organiser la manifestation Jidar. Une nouvelle ère s’ouvre pour les street artistes au Maroc. Mais au prix d’une négociation implicite : Les autorités offrent les murs, et les artistes renoncent au vandalisme. On parle bien d’implicite, car rien n’est écrit ni signé ; quelque chose qui s’est installé dans les mœurs sans qu’elle ne soit sujet à débat. Le street art devient gentil fait son grand retour à l’institution et le marché de l’art s’en réjouit et le reçoit à bras ouverts.
Par Moulim El Aroussi