Depuis l’indépendance, le Maroc souffre d’une commissionnite chronique, parfois aigue. Quand un problème surgit, on met en place une commission…et on l’oublie. On l’enterre.
Les crises, les scandales, les problèmes économiques ou sociaux, ont toujours engendré des Commissions, des Comités, des Conseils, des Instances. Avec le recul que nous offre le temps, on peut parfois se demander : à quoi tout cela a-t-il servi ?
C’est un smyptôme que le royaume traîne depuis l’indépendance. Est-ce que cela signifie que toutes les commissions, tous les travaux, tous les diagnostics, toutes les conclusions et recommandations, ont compté pour du beurre ? Non.
Pour ne parler que des plus récentes, et intéressantes, il y a eu l’Instance équité et réconcilitaion (IER) dont les recommandations, notamment sur le contrôle de l’appareil répressif et l’indépendance du corps judiciaire, restent d’une brûlante actualité. Pourquoi les a-t-on oubliées ?
Il y a eu aussi le rapport du cinquantenaire, un document exceptionnel, et très critique, sur le bilan d’un demi-siècle d’indépendance. Avec des chiffres, des courbes et des graphes, le sous-développement était pointé et expliqué par A+B, sans fard ni concession. Et comment oublier la fameuse Cosef, qui proposait il y a 20 ans déjà les grandes lignes de la réforme de l’enseignement. Qui s’en souvient encore ?
Toutes ces commissions, tous ces rapports, ont finalement dit la même chose : voilà ce qui ne va pas. Oui, bien sûr, ça va mieux en le disant. Et puis après ?
L’année 2019, que l’on vient de quitter, a vu l’installation d’une Commission censée élaborer un nouveau modèle de développement pour le Maroc. Elle est de facto héritière d’une longue et stérile tradition. Mais elle ne doit pas en être la prisonnière. A-t-elle d’autres choix, d’ailleurs, étant donné l’urgence de la situation ?
Le nouveau modèle de développement peut et doit s’appuyer aussi sur cette matière, qui existe déjà et qui est riche. Mais il doit aller plus loin. Ses recommandations ne doivent pas rester lettre morte.
Les retards de développement sont connus de tous. Il y a la question de l’éducation, de la santé, et de la justice. Pourquoi les « cerveaux » marocains continuent de fuir en masse le pays ? Pour pouvoir éduquer leurs enfants, les soigner et leur garantir leurs droits, leur épanouissement personnel.
C’est un principe universel. Le développement s’appuie sur l’école, la santé et la liberté/équité.
L’année 2019, qui s’est achevée sur une très mauvaise note, avec une vague d’arrestations pour ce qu’on peut appeler des délits d’opinion (un tweet, une chanson, un post sur Facebook), nous a rappelé, au cas où on l’aurait oublié, que la question de la liberté est essentielle, fondamentale, indispensable.
Il y a la liberté d’expression. Il y a aussi les libertés individuelles, dont celle de disposer de son corps, de choisir son culte, sa confession, sa « conscience ».
Des Marocains actifs, productifs, brillants, qui ont tant à donner, quittent le navire parce que privés de ces libertés. D’autres l’ont fait avant eux pour les mêmes raisons. Ils n’avaient pas confiance. Ils avaient peur pour eux, pour leurs enfants. Peur de l’arbitraire et de toutes ces petites choses de la vie quotidienne qui réduisent toute possibilité d’épanouissement personnel.
Par Karim Boukhari
Directeur de la rédaction