Pour commencer, pourquoi avez-vous écrit The Ethnographic State ?
Vers 2004, j’ai pris la décision de revenir à l’étude de la sociologie française du Maroc, et ceci pour plusieurs raisons. D’abord, je constatais que le cas du Maroc est exceptionnellement riche en documentation sur la société pré-coloniale. En fait, prises dans leur ensemble, ce que j’appelle « les archives coloniales » du Maroc sont supérieures, en termes de valeur documentaire, à n’importe quelle autre représentation d’un peuple colonisé (y compris les trop célèbres archives coloniales de l’Inde britannique). Aussi, j’ai écrit ce livre parce que j’estime que le débat sur les représentations coloniales et l’orientalisme est loin d’être clos. Pour faire avancer ce débat, il faudrait des analyses qui nous replongent dans des contextes historiques multiples.
Comment une étude de la sociologie française de l’Islam marocain peut-elle nous aider dans ce sens ?
Le cas de la sociologie française du Maroc est plein d’enseignements. La documentation fournie par la Mission scientifique du Maroc et les expéditions du Comité de l’Afrique française sont riches par leur documentation. Ces études nous permettent de voir les réussites des chercheurs français. Même de nos jours, les premiers tomes du journal Archives marocaines restent une source importante sur le fonctionnement de la société marocaine. Mais les études de l’époque ne sont pas toujours appréciées à leur juste valeur et continuent d’être écartées par beaucoup de chercheurs à cause d’une incompréhension, ou d’une vision entachée de préjugés.
Quel est la liaison entre The Ethnographic State et vos recherches précédentes, comme votre livre Prelude to Protectorate in Morocco ?
Dans l’État ethnographique, je reviens aux questions qui m’ont préoccupé dans le livre que vous mentionnez et dans mes écrits sur la représentation coloniale en général, à l’exemple de ma publication avec David Prochaska, Genealogies of Orientalism: History, Theory, Politics (Nebraska, 2008, ndlr). Tandis que mon livre corrobore l’approche discursive de la critique de l’orientalisme telle qu’elle a été formulée par Edward Saïd, je pense que pour vraiment comprendre comment la pensée orientaliste a opéré, il faut replacer les choses dans leur contexte historique.
Propos recueillis par Mohamed El Mansour
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