À l’occasion de l’opération des FAR pour la sécurisation de la libre circulation entre le Maroc et la Maurétanie le 13 novembre dernier, le nom d’El Guerguerat revient en force dans l’actualité régionale et internationale. Pourquoi cette zone de tension, surnommée Kandahar, fait-elle rôder le spectre de la guerre. Bref aperçu de son histoire récente…
Avant 1900, les confins sud de Saguia El Hamra ne sont qu’une vaste étendue désertique traversée par des tribus nomades. À cette date, un premier tracé surgit sur les cartes posées par des officiels français et espagnoles. Ces hommes, confortablement installés dans les salons parisiens, sont en train de se partager un territoire qu’ils viennent de s’approprier. C’est lors de la Conférence de Paris (juin 1900) que le sort de cette région, où se situe l’actuel Guerguerat, se négocie. Madrid s’octroie la partie nord, qui correspond à l’actuel Sahara marocain jusqu’à Tarfaya .Paris récupère une vaste région au sud, qui cadre avec l’actuelle Mauritanie. À l’époque déjà, le Makhzen rappel que l’ensemble colonisé répond à son autorité, sans grand succès. En 1904, le tracé est entériné par la Convention de Paris le 4 octobre. Un statuquo dont il est de nouveau question à l’indépendance du Maroc en 1956 à l’heure où le parti de l’Istiqlal milite pour la restitution d’un «Grand Maroc» qui s’étendrait jusqu’au fleuve Sénégal. La France s’y oppose car elle souhaite encore tirer profit des riches gisements de fer dans la région. Dès 1958, Paris prépare l’autonomie de la Maurétanie tout en veillant à y garder ses intérêts. Après un processus complexe, la Maurétanie déclare son indépendance le 28 novembre 1960. Le Maroc se sent floué et décrète même un jour de deuil national à cette occasion. Dans la région d’El Guerguerat, les évènements s’emballent durant les années 1970. La Marche Verte du 6 novembre 1975 redistribue les cartes et pousse les Espagnoles à décoloniser le territoire. Un fait entériné lors de la Conférence de Madrid en février de l’année suivante qui offre à Nouakchott la souveraineté de la région. Dès lors, le Maroc, qui a renoué avec son voisin du sud depuis, partage, plus au nord, une frontière commune avec la Mauritanie. En parallèle, le Polisario, un mouvement à l’origine fondé contre la présence espagnole, réclame à son tour un territoire indépendant. Un séparatisme qui le pousse à une guerre contre le Maroc et à un harcèlement constant des mauritaniens, essentiellement dans la zone d’El Guerguerat. En 1979, la Maurétanie jette l’éponge et consent à se retirer au sud de Lagouira. Les FAR investissent le site où passera la mur de défense achevé en 1987. Sous l’égide des Nations-Unis, un accord se prépare en y incluant un cessez-le-feu entre le Maroc et le Polisario. Ce texte signé en 1991 fait d’El Guerguerat une «zone démilitarisée» surveillée par la Minurso. Un statut resté inchangés malgré les incursions répétées des éléments du Polisario et le goudronnage par les FAR de la route nationale qui relie le Maroc et la Maurétanie en 2017. De fait, l’histoire d’El Guerguerat en fait le point chaud du conflit, permettant toutes les interprétations juridiques, d’un côté comme de l’autre. Une chose est sure, ce n’est pas en bloquant ce passage stratégique que le chemin de la paix sera tracé.