Pour Hassan Aourid, le dialogue des cultures passe nécessairement par un regard critique sur soi. L’ancien historiographe du royaume nous livre sans fard sa réflexion sur les liens qui unissent les deux rives de la Méditerranée.
Je suis presque tenté de croire aux alliances des civilisations si cela peut conforter mon idée du dialogue entre les cultures. Les civilisations ne sont pas des armées pour s’allier. Elles interagissent sur un temps historique, peu perceptible dans l’immédiat. Mais il n’y a de dialogue entre cultures que si, de part et d’autre, on se plie à l’exercice pénible, mais salvateur, du regard critique sur soi. Pas de dialogue possible avec ceux qui subliment leur moi collectif. L’idée de dialogue des cultures me hante, celle des alliances entre civilisations m’amuse. Mais l’enjeu est ailleurs. Quand, le 11 mars 2004, la gare d’Alocha explosa, je fus touché au vif. Je me savais suspect. Ceux qui avaient perpétré cet horrible acte portent des noms comme moi, se revendiquent de la même culture que moi et ont humé le même air que moi sur cette terre qui nous a vu naître. Le grand pari que je dois gagner est donc chez moi. Dans ce Printemps arabe, l’enjeu, le vrai, est la confection d’une nouvelle culture. Une vraie révolution, sans autodafé, sans supplice, sans bûcher, sans couperet. Une révolution pour apprendre à faire la queue, pour que j’apprenne, au volant, à mettre le clignotant à gauche quand je dois tourner à gauche. Une vraie révolution où le signifié et le signifiant coïncident, où blanc veut dire blanc et noir veut dire noir. A chaque fois que mon voisin de palier me lance une phrase, je dois décortiquer ses propos. Je ne suis jamais sûr de ce qu’il veut dire réellement.
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane
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