Pendant des siècles, la France et l’Allemagne se sont livrés à une bataille sans merci pour tenter de dominer l’Europe continentale. Aujourd’hui encore, personne n’est près d’oublier les ravages des guerres napoléoniennes, et ceux des troupes hitlériennes. La rivalité historique entre les deux nations a été militaire et économique, mais aussi culturelle. Et psychologique !
Les Allemands ont ainsi poussé le luxe jusqu’à vouloir faire, à tout prix, de Berlin l’anti-Paris, ou la cité qui va «éteindre» la ville lumière.
Ces guerres et ces rivalités historiques, étalées sur des siècles, avaient donc aussi un côté absurde, que l’on qualifierait volontiers aujourd’hui de «comique» s’il n’avait causé la mort, le déplacement et la ruine de millions de personnes.
Pourtant, la France et l’Allemagne sont aujourd’hui les meilleurs amis et partenaires du monde ! Economiquement, politiquement, et surtout culturellement, humainement, ils ressemblent au couple amoureux de l’Europe, deux pays désormais unis pour le meilleur après avoir laissé le pire derrière eux.
Ce résultat extraordinaire, mais logique en fin de compte, n’aurait pas été possible si les deux pays n’avaient pas surmonté les blessures du passé, les guerres, les massacres, les injustices de l’occupation, et tout le mal qu’ils se sont fait l’un à l’autre. Le bon sens a fini par les mettre sur la voie de la raison. Et la raison dit que deux nations voisines ne peuvent se développer que si elles apprennent à coopérer dans le cadre du vivre ensemble.
Si l’Allemagne et la France l’ont fait, pourquoi pas le Maroc et l’Algérie ? Qu’est-ce qui empêche l’une des plus anciennes monarchies du monde et le pays «du million et demi de martyrs» de tourner la page du passé, eux qui ont de surcroit l’avantage, via leurs peuples, de partager un énorme tronc commun fait de correspondances et de similitudes culturelles, sociales et même ethniques, quasi-gravées dans le marbre ?
Dans le Zamane que vous tenez entre les mains, nous essayons de sonder les origines historiques de ce grand malentendu, qui sont nombreuses, très anciennes et surtout complexes (lire dossier). La liste de ce que se reprochent les deux voisins est longue, fastidieuse, et à la fin assez prévisible. Au jeu de «Ce n’est pas moi, c’est lui», chacun pourra trouver son compte et retourner dormir heureux, en ayant pris le soin de tout rejeter sur l’autre. Et en toute légitimité.
Soit ! Mais vous n’aurez jamais la paix et votre n’irez pas très loin si vous n’arrivez même pas à vous entendre avec votre voisin de palier.
Nous sommes donc dans un schéma qui rappelle les histoires de vendetta méditerranéenne ou de «tha’r» arabe. Ces histoires de famille peuvent s’étaler sur des décennies, voire des siècles. Vu de l’extérieur, c’est du folklore. Le point de départ est un meurtre ou un acte déshonorant. Dans ce genre d’affaire, il y a toujours deux versions. Alors chacun campe sur sa version, son histoire, sa vérité et son bon droit. Et l’enchainement des vengeances se fait, de part et d’autre, se léguant en «héritage» aux descendances, aux proches des proches…
À un moment donné, personne ne sait qui a commencé quoi, ni pourquoi. C’est généralement le moment d’arrêter des massacres qui ne riment plus à rien…
Le Maroc n’est pas cette caricature décrite par la propagande algérienne, et inversement. Ce qui sépare les deux pays, ce qui les fâche à plus ou moins juste titre, n’est pas et ne peut pas être aussi grand, aussi vaste, aussi terrible, que l’énorme fossé qui séparait l’Allemagne de la France. Allons, allons.
Faites un sondage populaire, et surtout sincère, à Rabat ou Alger, et vous verrez : la réouverture des frontières et la collaboration économique et culturelle figureront tout en haut des vœux les plus chers des populations. « Fi Dzaïr Kif l’Marrock ».
(*) En Algérie comme au Maroc
Par Karim Boukhari, Directeur de la rédaction