La crise sanitaire a montré les limites des pays développés, c’est évident. Les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne… La puissance scientifique de ces «géants» n’est pas au niveau de leur puissance économique et militaire.
Vu d’ici, nous avons été surpris, voire choqués, de voir que tous ces Etats n’avaient pas suffisamment de lits de réanimation, ni tout le matériel nécessaire, pour prendre en charge leurs malades. Ces Etats donneurs de leçons ont des leçons à apprendre. À commencer par se rappeler qu’il ne sert à rien d’être plus riche, plus beau et mieux armé. Et que la science (médecine) et l’humain (santé) doivent redevenir la priorité absolue, loin devant la défense, la course l’armement, la superpuissance technologique.
Tout cela est bien vrai. Mais est-ce une raison pour railler ces Etats et considérer que tout leur système est mort et fini ? Non, c’est comme se mettre un doigt dans l’œil. Il faudrait être fou pour le faire !
Malgré les difficultés qu’ils affrontent face au Covid-19, ces pays, ces nations, ces Etats ne se sont tout de même pas transformés en républiques bananières.
Il faut comprendre que la crise sanitaire est en train d’entrainer d’autres crises. Sa résorption fera donc appel à des outils économiques, technologiques, mais aussi politiques. Et sur ce plan, ces pays en crise ont des arguments que la rive sud de la Méditerrannée n’a pas.
Ils ont la puissance économique nécessaire à relancer la machine. Ils ont la science pour créer des vaccins, des thérapies. Ils ont la technologie pour compenser les pertes et créer des alternatives, même sur les marchés culturels et associatifs. Ils ont l’éducation pour marcher en rangs unis, éviter la panique sociale. Ils ont ce qu’il faut pour faire de la discipline individuelle et collective un devoir naturel, pour maintenir l’ordre sans recourir à la matraque.
Et surtout ils ont la démocratie, c’est-à-dire la liberté, pour choisir qui ils veulent, quand ils veulent, ce qu’il faut faire ou ne pas faire, ce qu’il faut changer ou garder. Pour sanctionner les incompétences et expériemnter de nouvelles idées sans s’entretuer, sans sombrer dans l’anarchie.
Leurs vraies armes, ce sont celles-là. La rive sud à laquelle nous appartenons, pourra-t-elle en dire autant ?
Laissons-les régler leurs problèmes. Notre monde à nous, qui est celui des pays «en mal de démocratie», a d’autres problèmes. La moindre saison sèche nous précipite au bord du gouffre. La moindre manifestation de rue tourne au psychodrame et fait craindre un régicide.
Nous n’avons pas cette liberté qui offre des alternatives, c’est-à-dire un filet de sécurité pour amortir la chute, aussi brutale soit-elle.
Nous n’avons pas l’éducation pour comprendre les priorités, hiérarchiser les besoins, accepter les différences, les désaccords.
Nous n’avons pas la science pour nous auto-suffire, nous auto-réguler, nourrir nos enfants et les soigner sans tendre la main, ni appeler à l’aide.
Nous n’avons pas la technologie pour nous créer un monde virtuel aussi complet que le réel.
Nous n’avons pas le vécu, nous n’avons pas la mémoire, nous n’avons pas le recul et l’accumulation, nous n’avons pas l’humilité pour comprendre qu’en temps de crise il faut se faire petit, retrousser les manches et se mettre enfin au travail.
Nous en sommes encore à nous demander si le retour à l’autoritarisme pur et dur, à la censure, à la théocratie, résoudrait nos problèmes. N’aurions-nous donc rien compris, rien retenu, des leçons de l’histoire du monde, et de notre propre histoire ?
Ces pays que l’on raille ont plus de chances de s’en sortir avec moins de dégâts parce que leur sytème, malgré ses failles, repose sur un maillage solide. Et parce qu’ils ont la démocratie.
Oui, démocratie. Qui signifie liberté. Qui donne le pouvoir à l’individu. Et prémunit, en temps de crise, contre le retour à l’état sauvage de la société, de la communauté.
Par Karim Boukhari, Directeur de la rédaction