La méconnaissance du Maroc lui a souvent valu, à travers l’histoire, d’être dépeint avec une certaine condescendance, et beaucoup de mépris. Les clichés les plus divers ont alors commencé à circuler avec insistance, surtout du côté de l’Espagne et de la France, à la veille de l’établissement du double Protectorat au début du XXème siècle.
Contenant malgré tout une part de vérité, mais noyés au milieu des fantasmes et des stéréotypes orientalistes, ces clichés racontent aussi, à leur manière, la complexité du rapport qui a lié le Maroc à ses voisins européens, chrétiens pour l’essentiel, qui ont pu sauter dès la fin du Moyen Âge dans le train du progrès technologique et de l’ère industrielle. Quels sont, donc, ces fameux clichés ? Où, exactement, quand et comment sont-ils nés ? Pourquoi ? Documents et caricatures inédites à l’appui, Zamane examine une page sombre, aux contours flous et à la portée souvent violente, de cette histoire commune qui lie le Maroc à ses anciens «protecteurs» et «amis» européens…
Depuis le XVIIIème siècle, l’image qu’on se faisait du Marocain dans les cours européennes était un mélange de crainte et de mépris. Le Marocain est musulman, donc fanatique et fataliste. C’était l’image galvaudée, doublée d’un penchant à l’imposture. On se colportait aussi les récits des captifs et des Corsaires salétins, cruels et intraitables. L’Europe se faisait et se forgeait une identité, par opposition à l’Autre, indispensable pour créer le Moi. Et, en grande partie, le Marocain était l’Autre, à côté du Turc.
Quand la France avait conquis l’Algérie, on s’est rendu compte qu’on ne connaissait pas cet Autre devenu voisin. Ce qu’on connaissait était une construction, autrement dit un préjugé. Delacroix dans ses carnets de voyage, tranche avec le préjugé construit sur le Marocain. Rome n’est pas à Rome. Le «barbare» détient encore quelque chose des temps homériques. À la fin du XIXème siècle, la France et particulièrement après sa défaite face à la Prusse (1870), a pris sur elle-même d’ouvrir ce musée vivant, qui était le Maroc. De jeunes investigateurs voulaient faire du Maroc leur «ancien régime», sur les traces de Tocqueville.
Il y eut une floraison d’écrits avant la pénétration coloniale, avec un souci académique comme avec Le père Charles De Foucauld dans «Reconnaissance du Maroc», les voyages de Doutté (particulièrement son ouvrage «En tribu»), les carnets du Marquis de Segonzac. D’autres étaient plutôt anecdotiques, comme avec Loti dans «Au Maroc», et plus tard «Fès ou les bourgeois de l’Islam» des Frères Tharaud.
Dossier réalisé par la rédaction
Lire la suite de l’article dans Zamane N°112 (Mars 2020)