Le personnage de Jawdar Basha a des faits d’arme peu connus. Général de guerre et européen conquérant de Tombouctou pour le Maroc, il mourra la tête tranchée.
Jawdar est un important caïd makhzénien du grand sultan Ahmed Al Mansour Adhahbi. Il est aussi l’un des plus célèbres généraux de l’armée marocaine toutes époques confondues. Puisque c’est lui qui dirige avec succès la très aventureuse expédition militaire contre l’empire Songhay et Tombouctou en 1590. Mais, ce qui attise la curiosité des historiens et des lecteurs, n’est pas tant sa bravoure ou son sens de la stratégie, mais bien ses origines. C’est que Jawdar est un Européen blanc aux yeux bleus. D’ailleurs, l’armée marocaine, dont il prend la tête au milieu de l’automne 1590, a choisi comme langue de son commandement non l’arabe ou l’amazigh mais l’espagnol. Car Jawdar, dont on ne connaît pas de façon sûre le prénom, mais dont l’origine de la localité dite Cuevas de Almanzora dans la région d’Almeria est certaine, est un Ibérique pur-sang.
De l’esclavage à la gloire
Il fut très probablement enlevé, alors qu’il est encore très jeune, par un commando en partance de la côte marocaine. Puis il est vendu comme esclave. De telles opérations sont menées, très souvent, par des rescapés de l’Inquisition. Ils pensent ainsi venger la perte de leur Ferdaous almafqoud (paradis perdu).
La période de vie de Jawdar dans sa région natale reste presque totalement obscure. L’un des rares détails qu’on connaît de cette époque est que notre héros est d’origine modeste. De fait, quand il atteindra la célébrité, grâce à ses exploits au Soudan, les Espagnols commencent à s’intéresser à lui. Ainsi, Antonio Pereira, un serviteur du roi Philippe III dans le sud du pays, informe celui-ci que le célèbre «renégat» n’est autre qu’un «hijo de una pobrecilla mujer de aqui» (le fils d’une femme pauvre d’ici). En tout cas, après moult péripéties, Jawdar finit par atterrir comme serviteur dans la cour d’Ahmed Al Mansour.
Décrit par l’historien Saâdi comme de petite taille et par d’autres comme de teint très clair, Jawdar dispose à la fois d’une intelligence exceptionnelle et d’une force physique qui lui permet de s’adapter au dur climat saharo-sahélien. L’auteur de L’Histoire du Soudan le décrit aussi comme un homme qui réussit toutes ses entreprises : «Il était très heureux dans les affaires du monde ci- bas. La chance lui sourit jour et nuit. Il mène à bien, et tout à fait à son aise, tous les projets qu’il entreprend. Allah lui accorde presque toujours plus qu’il ne puisse espérer ». C’est peut-être l’une des raisons qui poussent le Grand Al Mansour à le nommer à la tête de la force de conquête. Car, d’autres étaient mieux placés que lui. Il était jeune et avait peu d’expérience militaire.
Par Maâti Monjib
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