On le croyait révolu, le temps de la calligraphie arabe dans les arts visuels au Maroc. Il fut un temps où la lettre arabe trônait dans la majeure partie des œuvres artistiques, non seulement au Maroc mais partout dans le Monde Arabe. Mais à partir de la fin des années 1980, le goût pour la calligraphie s’est estompé aussi bien chez les artistes, le public que les collectionneurs. Seuls certains artistes ont continué, malgré tout, à subjuguer les amateurs d’art par des œuvres aussi bien profondes que sublimes : Noureddine Chater, Larbi Cherkaoui et Noureddine Daïfallah. Je ne sais pas si c’est le hasard qui a fait qu’ils soient tous les trois de Marrakech.
Mais, apparemment, cet art millénaire avait encore une vie devant lui. Les nouvelles technologies viennent de lui fournir une opportunité incroyable. C’est ce que nous démontre le travail fabuleux de Mohamed Badie El Boussouni, un artiste marrakchi par adoption. Cet amoureux de la calligraphie était connu pour être l’un des premiers spécialistes marocains de la création 3D. Mais quand il a commencé à faire de la technologie un allié de l’art, il s’est tourné vers ce qui dans son environnement visuel le captait le plus ; l’art de la Lettre. Dans son travail, la lettre arabe prend de nouvelles formes, de nouvelles fonctions et une nouvelle mise en scène. Ce qui n’était que suggestion dans les tableaux des artistes devient ici, grâce à la nouvelle technologie, un mouvement des situations et une narration qui se déploie à travers l’espace en trois dimensions pour impliquer aussi bien l’ouïe, le regard, l’odorat aussi bien que le toucher par la magie des vibrations sonores. L’artiste abandonne, ne serait-ce que pour le moment, l’idée du tableau objet pour nous présenter l’œuvre spectacle.
Les installations gigantesques d’El Boussouni seront visibles en cette fin d’années et en début de l’année prochaine. Après sa participation à la Biennale de Malmö en Suède, il ira montrer ses créations à Dubaï aux Émirats Arabes Unis, à Torino en Italie puis à Los Angeles. Dans son travail, la rosace du zellige marocain prend la place centrale, elle s’effeuille et se construit en se déployant au gré et aux rythmes des mélodies musicales que choisit, ou compose, l’artiste spécialement pour chaque événement. Des œuvres monumentales tout en virtuel que le spectateur peut traverser, entendre, sentir dans ses narines et sur sa peau bien entendu. Pour expliquer son goût pour la calligraphie et l’ornementation l’artiste déclare : «Ayant grandi dans un Riad, les motifs de zellije et les ornements sur bois sculptés ou sur gypse m’accompagnent perpétuellement tout autant que les calligraphies marocaines élégantes de feu mon père et mon grand-père. Tout cela a façonné irrémédiablement ma palette couleurs et formes, ma vision du monde et ma réflexion sur la singularité futur/présent et homme/ machine».
Avec la démarche de Mohamed Badie El Boussouni, l’on découvre que les expressions ne meurent jamais.
Par Moulim El Aroussi