La révolte est une réaction immédiate, souvent spontanée, contre une situation jugée injuste ou oppressante. Elle peut surgir d’un sentiment collectif de frustration ou d’oppression, sans pour autant être guidée par une stratégie structurée ou un objectif global. Les révoltes prennent fréquemment une forme violente, mais leur portée reste limitée, tant géographiquement que dans leur visée. Elles s’inscrivent dans un cadre temporel court, exprimant une contestation locale ou sectorielle. Historiquement, les révoltes paysannes ou les soulèvements d’ouvriers ont marqué des moments de rupture face à des abus, mais sans chercher nécessairement à transformer l’ensemble du système social ou politique.
Les révoltes armées menées par des milices relèvent d’un niveau d’organisation supérieur à celui des révoltes spontanées, mais elles partagent souvent leur caractère limité. Ces milices, souvent composées de groupes aux intérêts communs, agissent pour des motifs spécifiques : contrôle territorial, revendications identitaires, opposition à un régime local ou obtention de privilèges. Leur action est généralement motivée par des enjeux partisans, religieux, ethniques ou économiques, ce qui leur confère un caractère fragmentaire. Elles ne cherchent pas toujours à instaurer un nouvel ordre social ou politique, mais plutôt à modifier des rapports de force existants. En revanche, la révolution transcende ces limites pour s’inscrire dans une dynamique de transformation sociale, culturelle et civilisationnelle profonde et durable. Elle est animée par une vision systémique, cherchant à renverser l’ordre établi pour en créer un nouveau. Contrairement à la révolte, qui réagit à une situation précise, la révolution est portée par une idéologie ou un projet structuré visant une refonte complète des structures politiques, économiques, culturelles ou sociales. Ce caractère universel confère à la révolution une portée historique : elle ne se contente pas de contester, elle propose un changement global. La Révolution française de 1789, par exemple, n’a pas simplement défié la monarchie absolue, mais a instauré un nouvel ordre basé sur les principes de liberté, d’égalité et de fraternité, qui ont influencé le monde entier. Les révolutions impliquent souvent une mobilisation populaire massive, transcendant les clivages sociaux ou régionaux. Elles se déroulent sur une échelle nationale, voire internationale, et bouleversent profondément les institutions et les normes établies. Leurs conséquences sont durables et transforment les sociétés en profondeur, que ce soit par la modification des lois, des structures de pouvoir ou des mentalités collectives. Par exemple, la révolution bolchévique de 1917 a non seulement renversé le régime tsariste en Russie, mais a également donné naissance à une idéologie, le communisme, qui a marqué le XXème siècle. Cependant, toutes les révoltes armées ne deviennent pas des révolutions. Certaines restent enfermées dans leurs limites locales ou partisanes, échouant à fédérer une masse critique ou à formuler un projet de société cohérent. Dans ces cas, elles peuvent être réprimées ou s’enliser dans des conflits interminables, sans aboutir à une transformation durable du système. De nombreuses milices à travers le monde, bien qu’organisées et armées, n’ont pas réussi à transcender leur rôle initial de contestataires pour devenir des acteurs de changement systémique. De ce point de vue, la révolte syrienne, appelée révolution par les médias, semble être plutôt un putsch militaire qui a cherché à renversé une personne, ou même un système pour mettre en place un autre. La révolution doit engager la population et inventer un monde nouveau. Car il faudrait le souligner, là où la révolte traduit une contestation locale et immédiate, la révolution aspire à une refonte globale et durable. Si les révoltes armées organisées par des milices témoignent d’un niveau d’organisation avancé, elles ne peuvent prétendre au statut de révolution sans s’inscrire dans un projet universel.
Par Moulim El Aroussi, conseiller scientifique de Zamane