Les publicités d’hier, vues par le professionnel d’aujourd’hui. C’est l’exercice proposé à Noureddine Ayouch, grand publicitaire marocain. Il commente pour «Zamane» les affiches orientalistes de la période du Protectorat.
Durant le Protectorat, le défi de l’administration est de peupler le pays conquis par de nouveaux colons. De vastes campagnes sont ainsi menées dans cet objectif. Mais cet enjeu n’est pas le seul. Déjà l’attrait touristique du Maroc est évident. Dépaysements, beau temps, découvertes culturelles et fort attrait pour l’orientalisme ont font une destination fantasmée. C’est ainsi que dès le début des années 1920, les compagnies de transport et de voyages redoublent d’efforts pour inciter à visiter cette mystérieuse contrée enfin domptée. Le résultat est surprenant. L’affiche publicitaire, considérée comme œuvre d’art, ne relaye pas seulement un message marchand. Elle est à elle seule un produit de consommation. Régulièrement, les œuvres sont exposées à l’instar des tableaux de maîtres. D’ailleurs, de prestigieuses signatures comme celle de Majorelle, Derche ou encore Brondy participent à l’effort publicitaire qui bannit la frontière avec l’œuvre d’art. De fait, un « style marocain » naît en même temps que les affiches publicitaires. Pour les professionnels de l’époque, le « produit Maroc » se distingue des autres colonies françaises. L’empire chérifien est l’acquisition la plus tardive chronologiquement, mais surtout la moins marquée politiquement. Contrairement à l’Algérie ou dans une moindre mesure la Tunisie, le Maroc n’est pas perçu comme un « bout de France » d’outre-mer. Le fantasme qu’il génère est le fruit d’une forme d’indépendance de ce territoire longtemps considéré comme farouche.
Par Sami Lakmahri
La suite de l’article est dans Zamane N° 53