Ce druze libanais, fervent représentant du panarabisme et du panislamisme, a fortement influencé le nationalisme marocain.
« Singulière personnalité que celle de ce grand féodal libanais qui, de son bureau de Genève, distribua dix-huit ans durant les mots d’ordre à l’Islam méditerranéen et dont l’influence survit à toutes les crises, à toutes les compromissions », écrit de lui Charles-André Julien dans son livre L’Afrique du Nord en marche (1952, réédité en 2002 aux éd. Omnibus). Il est vrai que l’«Emir Al Bayane» (le «prince de l’éloquence») était un personnage à part dans la galaxie nationaliste arabe. Emir de religion druze, il a été, avant l’Egyptien Nasser, l’un des champions du nationalisme arabe, aimé par les uns, détesté par les autres, mais sans laisser personne indifférent. Un exploit d’autant plus remarquable que Chakib Arsalane était membre de la communauté druze, une secte issue de l’islam chiite. De nos jours encore, si l’Université Al Azhar du Caire considère les Druzes comme faisant partie de la communauté musulmane, cet avis n’est nullement partagé par la majorité des théologiens musulmans qui rappellent que la liturgie druze est très éloignée des préceptes de l’islam.
Le panislamiste devenu panarabiste
Chakib Arsalane est né en 1869 à Choueifat, dans les montagnes du Chouf, le fief communautaire druze situé près de Beyrouth. Brasseur d’idées, influent écrivain et grand polémiste, son principal dessein avant la Première guerre mondiale (1914-18) est la défense du panislamisme cher à l’Afghan Jamal Eddine El Afghani (1838-97) et au réformiste égyptien Mohammed Abdou (1849-1905), qui a été son professeur durant son exil au Liban. Avant la guerre, Arsalane est un fervent défenseur de la Sublime Porte. La défense de l’Empire ottoman, en contradiction avec certains nationalismes arabes naissants, est une stratégie politique opportuniste du Libanais. Il considère Istanbul, avec son calife et son cérémonial, comme le nécessaire socle sur lequel doit s’asseoir l’unité de la Oumma. Il craint, et l’Histoire lui a donné raison, que la chute des Ottomans n’amène d’autres maîtres, les Occidentaux, issus d’une autre civilisation et suiveurs d’une autre religion.
Par Adnan Sebti
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