On peut s’interroger sur la relation entre l’argent et l’art. Ceci semble évident. La relation entre le monde de l’art et celui de l’argent prend de plus en plus de place. On achète l’art certes pour le plaisir, mais on acquiert des œuvres surtout pour placer de l’argent. Mais l’exposition qui s’est tenue au Musée Mohammed VI d’art Moderne et Contemporain, à Rabat jusqu’au 30 Octobre, veut jeter la lumière sur une autre relation entre l’art et le « pognon » : l’argent nous enseigne l’histoire, semble dire la commissaire de l’exposition Nadia Sabri historienne de l’art. L’exposition qui se tient sous le thème de «Une archéologie des images, le billet de banque au prisme de l’histoire et de l’art», raconte «plusieurs histoires : celle des œuvres d’art, et de l’imagerie coloniale documentaire et artistique, celle du billet de banque en France, celle du Protectorat et de l’Indépendance du Maroc, et enfin celle de l’histoire de l’art au Maroc et de l’histoire de l’art occidental».
La commissaire de l’exposition précise que le billet de banque raconte l’histoire du pays, ou du moins c’est l’idée qu’elle s’est promis de communiquer aux visiteurs de l’exposition. Si elle a essayé de périodiser l’histoire du billet de banque au Maroc et de lui trouver des correspondances dans la vie politique ou culturelle du pays elle s’est efforcée aussi et avec succès à lui trouver des parallèles dans l’histoire de l’art au Maroc ; un certain art, il est vrai.
Mais s’il était facile de trouver la correspondance pendant la période du Protectorat, les périodes à partir de l’indépendance semblent moins évidentes. Ainsi, à partir de 1960, l’iconographie bancaire met plus en avant la vie des Marocains dans des illustrations narratives qui ne rendaient compte, qu’allusivement, du bouillonnement plastique au Maroc à la même époque. Le moment était, certes, à la construction nationale et la mise en place de symboles unificateurs telles les effigies des souverains. Le mouvement culturel et plastique au Maroc était traversé par le même souci et la même philosophie.
C’est ce que la commissaire de l’exposition explicite bien dans son communiqué : «Traversant les sujets et les iconographies des œuvres orientalistes et celles des artistes voyageurs occidentaux, en passant par l’héritage architectural et ornemental, et par les premières œuvres de peintres marocains, jusqu’aux affirmations des artistes de la modernité, l’exposition dévoile le riche référentiel des illustrations des artistes peintres, dessinateurs et graveurs du billet de banque. Véritable mémoire iconographique d’une époque, et authentique expression artistique par des modes de représentations, des symboles, et une codification du langage visuel».
Ainsi, le livre de la monnaie et de l’argent, longtemps oublié et vu comme la saleté de la vie («Wssakh denia»), devient dans cette exposition, un élément de réflexion sur une partie du passé du pays. Le billet devient aussi œuvre porteuse de message.
Par Moulim El Aroussi