Pour beaucoup d’historiens, Sidi Mohamed Ben Abdallah, ou Mohamed III, est l’un des plus grands souverains de l’histoire du Maroc. Pourtant, son époque, la deuxième moitié du XVIIIème siècle, a été particulièrement dure pour le pays. Comment expliquer ce paradoxe ? Pour répondre à cette question, et à bien d’autres, Zamane analyse les grandes lignes de la politique (et de la vie) de ce sultan différent des autres, le premier à avoir tenté d’inscrire le Maroc sur le chemin de la modernité. Un dossier et un voyage pleins de surprises, certains sujets (comme le rapport à l’Europe et à l’Occident, ou la nécessité de contourner certains interdits religieux) restant, aujourd’hui encore, de grande actualité.
Avant le XXème siècle, et en mettant de côté les dynasties (Almoravides – Almohades – Mérinides) qui ont gouverné un Maroc encore indifférencié, et aux contours mouvants, les «rois» qui ont réellement marqué l’histoire du Maroc se comptent sur les doigts de la main. Trois se démarquent particulièrement du lot. Qu’on les appelle, ou qu’ils se fassent appeler rois, sultans ou califes, leur empreinte a été extraordinaire.
Dans le XVIème siècle, le Saâdien Ahmad al-Mansour a été le premier à affirmer la personnalité et l’identité propres au royaume, face au concert des nations et des empires. Avec lui, le Maroc a pu regarder les autres dans les yeux, traitant d’égal à égal ou presque avec des pays beaucoup plus puissants. Il a été le premier aussi à structurer réellement la fonction de roi, ou calife comme il aimait se faire appeler, la dotant d’un apparat et d’un cérémonial à part, d’un outil de travail à sa mesure (c’est lui le véritable bâtisseur du Makhzen, tel qu’on l’entend aujourd’hui encore) et même d’une «communication» qui a définitivement fixé la fonction comme étant le rouage central de l’exercice du pouvoir.
À cheval entre le XVIIème siècle finissant et le XVIIIème siècle naissant, Moulay Ismaïl a été le premier à pacifier et à soumettre pratiquement l’ensemble du territoire et de ses tribus, même les plus récalcitrantes. Il a apporté l’ordre et la sécurité, certes au prix fort, en versant beaucoup de sang. Il a bâti une armée, celle des fameux «Abid», que l’on peut qualifier de moderne et indépendante, une armée régulière surtout, c’est-à-dire permanente et bien structurée, tout en étant viscéralement liée selon le principe «à la vie, à la mort», au souverain.
Le troisième souverain de marque reste, incontestablement, Mohamed III, ou sidi Mohamed Ben Abdallah, qui aura littéralement illuminé la deuxième moitié du XVIIIème siècle, remettant en selle un empire chérifien alors complètement disloqué et lui permettant, au moins provisoirement, de ne pas sombrer dans l’anarchie et l’enfermement le plus total. Qu’a-t-il donc fait, réalisé ou compris, à la différence tant de ses prédécesseurs que de ses successeurs ?
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