Depuis quelques mois, dans la majeure partie des pays arabo-musulmans, les relations entre chiites et sunnites ne cessent de se dégrader. Au royaume, le risque de basculer dans un conflit confessionnel existe-t-il ?
Les dernières vidéos d’exactions contre des chiites égyptiens qui circulent sur Internet font froid dans le dos. Ces scènes, d’une violence effroyable, ainsi que les prêches haineux de certains sunnites radicaux, sont révélatrices de l’étendue de la crise entre les adeptes des deux principaux rites musulmans. De plus, la situation en Syrie et en Irak fait planer le spectre d’une large guerre confessionnelle. Mais si ces tensions sont récurrentes dans cette région du monde, qu’en est-il du Maroc ? Est-il à l’abri de troubles ? Pour beaucoup, ce cas de figure est très improbable au royaume en raison du faible nombre de chiites et de leur marge de manoeuvre réduite. En effet, selon le spécialiste des mouvements religieux Abdellah Rami, la communauté chiite ne compte pas plus de 8000 membres au Maroc. Néanmoins, l’actualité et l’histoire font entrevoir une profonde méfiance du pouvoir envers les chiites. Hakim Benchemass, président du groupe PAM à la Chambre des conseillers, a contribué à faire ressurgir ce débat au cours d’une session parlementaire à la fin du mois dernier. Il s’interroge sur l’activisme du mouvement chiite au Maroc qu’il juge en pleine expansion, illustrant ses propos par la présence d’une page Facebook vantant le rite chiite en plus d’incontrôlables prêches d’imams dans les pays à forte présence de MRE. D’autre part, la décision de Madrid de supprimer des chaînes satellitaires qui se livrent à de la propagande chiite a réjoui les autorités marocaines. Doit-on craindre de futures tensions à ce sujet ? Abdellah Rami pense « que les troubles liés à cette question au Proche et au Moyen- Orient vont toucher inévitablement le reste des pays arabo-musulmans, y compris le Maroc ». Cependant, il tient à préciser que « le courant chiite comporte des divergences de stratégies et d’idéologies, ce qui freine son expansion ». Dans le cas du royaume, toujours selon Rami, les nouveaux modes de diffusion de la pensée sont susceptibles d’impacter la société marocaine. En mars 2012, le célèbre imam marocain Abdallah Dahdouh, d’obédience chiite, avait été assassiné dans l’attaque de sa mosquée à Bruxelles. Le procès n’a toujours pas identifié de coupable. Espérons que le pire n’est pas à venir.