Les Néo-Ottomans arrivent, dit-on, et on ne sait comment s’y prendre. Une fraction de notre élite les accueille à bras ouverts, après déjà une pénétration culturelle savamment menée, avec leurs écoles labélisées al-Fatih liées au prédicateur Fathallah Gulen, leur conception de l’islam disséminée par la revue Hira qui s’inspire de l’école du mystique de Saïd Nursi, leurs associations d’amitiés, leurs feuilletons-télé, leur tourisme culturel ou balnéaire à la portée de toutes les bourses. Certains parmi cette fraction, quand ils parlent de la Turquie, utilisent le terme chargé de Dar Essaâda.
Ainsi on appelait le siège du califat. Une autre fraction y voit de fâcheux relents historiques quand les Ottomans menaçaient le flanc est de l’Empire chérifien et interféraient dans le jeu de la cour à coup d’intrigues, voire de liquidations. Cette fraction s’arc-boute et résiste à la turquisation du Royaume fortuné qui n’est pas tombé sous l’escarcelle de la Sublime Porte et qui a préservé son indépendance et son identité propre. Dans ce grand livre d’enseignements qui est l’Histoire, comme l’appelle Ibn Khaldoun, nous pourrons peut-être trouver quelques pistes ou enseignements.
Oui, le Maroc a préservé son indépendance politique face à l’Empire ottoman qui avait oeuvré aussi bien par les armes que par l’intrigue politique, à vassaliser l’Empire chérifien. Mais la politique du Maroc, depuis Ahmed El Mansour au XVIe siècle, qui a dessiné les contours du Maroc à la fois en termes d’orientation diplomatique et en termes d’institutions, était beaucoup plus subtile. La Sublime Porte était au faîte de sa gloire, et était avec le Royaume d’Espagne les deux superpuissances de l’époque, se livrant à une course acharnée sur les rives et au large de la Méditerranée. Le Maroc était voisin des deux, et El Mansour par un jeu subtil a ménagé les deux, en jouant des fois, l’un contre l’autre, et en tirant le meilleur qu’il pouvait avoir des deux.
Les arcanes de la Sublime Porte étaient familiers à El Mansour puisqu’il y avait séjourné avec son frère Abdelmalek pour longtemps quand ils y étaient exilés avant la conquête du pouvoir. Il s’est inspiré de ses institutions, de sa culture, de son mode de gouvernance, et depuis cette tradition s’est perpétuée, y compris avec les sultans alaouites. Nous avons encore des termes dans l’administration comme dans le jargon militaire qui attestent de cette influence. Notre cuisine porte encore la marque de l’influence ottomane.
Un des emblèmes de notre identité vestimentaire, du moins pour les citadins, qui est le fez ou le tarbouch est d’origine turque. Regardez les costumes de la garde royale, et comparez les avec les costumes de l’armée de la Sublime Porte, et si vous avez la chance de vous rendre à Topkapi et vous avez écouté la musique martiale jouée sur l’esplanade de Sundjuq (bannière) vous ne manquerez pas de relever la similitude avec notre musique martiale de khamsa ou khamsin. C’est dire que l’Empire chérifien fortuné n’a jamais été hermétique à l’influence de la Sublime Porte tout en étant jaloux de son indépendance. C’est un fait avéré et qui pourra nous aider à appréhender nos rapports avec les néo-ottomans, maîtres d’Ankara aujourd’hui.
La Turquie est une puissance économique émergeante avec trois espaces vitaux importants, l’Asie centrale, les Balkans et le Moyen Orient. Elle est un acteur diplomatique de plus en plus influent, et nous pourrons en tirer le meilleur, tout en étant fidèles à l’orientation de nos aïeux quant à notre indépendance. Elle demeure aussi un modèle de réussite entre une orientation moderniste qui fut menée, certes, de manière volontariste et abrupte, et une réconciliation qui se fait de plus en plus avec son Histoire, sans renier ni l’une ni l’autre.
On a beaucoup glosé sur la dernière visite du Premier ministre turc au Maroc, Recep Tayyip Erdogan, qui, à en croire les commentaires de la presse, était un échec. La bonne éducation, dit-on, est d’apprendre à vos enfants à chasser des lapins dans des près où il y a des lapins ; la mauvaise est de leur apprendre à chasser les lapins dans des près où les lapins ont disparu. On pourrait faire le parallèle avec la diplomatie. Heureusement que la diplomatie repasse les plats, contrairement à l’Histoire. Il reste une session de rattrapage. Il faut la bien préparer, sans bachotage ni impasses et sans perdre le nord bien sûr.
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane
on ne peux pas accélérer nos étapes vers l’avenir si on ne fait pas de notre histoire une panoplie des leçons aidantes à se lancer. il faut s’en revient pour savoir comment nos ancêtres ont pu résister et entraver les Otmans de pénétrer au maroc, ils n’ont pas été capables de traverser les frontières. aujourd’hui on assiste à une autre facette de la personnalité marocaine, une sorte de trahison pour notre histoire, de notre statut d’un peuple qui se présente fièrement attaché à son existence. voila donc une fraction des marocains qui se trouvent plein éblouissement de ce nouvel monstre parvenu de l’orient.
La musique de l’hymne national a été composée par le capitaine L. Morgan sous le règne de My Youssef et n’a rien à voir avec les turcs