Ministre de l’Education nationale de 1988 à 1993, professeur de l’enseignement supérieur en neurologie, doyen de la Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat de 1981 à 1988, Taïeb Chkili a été, entre 1993 et 1997 vice-chancelier de l’Université Al Akhawayn. Il a également occupé le poste de président de l’Université Mohammed V de Rabat. Il a été en outre membre de la Commission nationale pour l’éducation et la formation (COSEF).
Quel constat peut-on dresser aujourd’hui de l’enseignement supérieur au Maroc ? Peut-on parler de progrès ou d’échec ?
Il serait un peu hâtif de faire un constat d’échec ou à l’inverse de crier victoire. Il y a certes des problèmes mais également des avancées qui enregistrent de temps à autre des reculs. Pour ma part, je déplore notre incapacité chronique à capitaliser sur les acquis du passé. Ce constat ne concerne pas seulement l’enseignement supérieur mais l’ensemble de la gestion administrative au Maroc. Le secteur qui nous concerne a connu un développement progressif depuis l’indépendance. Dès 1958, le chantier est lancé avec la fondation de l’université Mohammed V et de son annexe casablancaise. D’autres structures suivent et témoignent de la dynamique positive de cette époque. L’enseignement supérieur se décentralise et se diversifie.
À quels besoins répond cet élan ?
Le pays avait besoin de tout. De médecins, de chirurgiens, de fonctionnaires et bien d’autres. À l’indépendance, l’essentiel du personnel actif se compose de coopérants français et dans une moindre mesure d’Espagnols dans la zone nord. Les bacheliers marocains étaient très rares. Lorsque j’ai passé le BEPC (Brevet d’études du premier cycle) en 1961, nous étions 22 à l’échelle de tout le pays. La moitié musulmane et l’autre juive. C’est pour vous dire que le vivier disponible pour y puiser les cadres supérieurs était extrêmement limité. À l’indépendance, seulement 11% des enfants en âge d’être scolarisés l’étaient. Parmi eux, seuls quelques-uns sont parvenus à décrocher le baccalauréat. Le Maroc s’est à nouveau confronté à une difficulté majeure, bien plus tard, lorsque la France a exprimé sa volonté de retirer ses ressortissants du cadre de l’enseignement en 1983. Là encore, les besoins se sont accrus et il a fallu y répondre en urgence. La réponse est venue à travers la réforme de Azzedine Laraki, alors ministre de l’éducation nationale. Je me souviens de son effroi lorsqu’il a reçu la lettre de l’ambassadeur de France. La situation était critique.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
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