C’était inespéré, un face-à-face entre l’un des plus grands savants du monde musulman et l’un des plus terribles conquérants, Tamerlan. En plus de donner un duo probable, cela a aussi donné l’occasion à Ibn Khaldoun d’écrire l’Histoire du Maghreb. Récit.
Dans la vie, il y a parfois des rencontres dont on se passerait volontiers, si la curiosité ne nous y poussait pas. C’est un peu ce qu’il s’est produit entre Ibn Khaldoun et Tamerlan, l’empereur des Mongols, dont le pouvoir de conquête s’est étendu de l’Asie occidentale et orientale jusqu’à Damas et Baghdad. Une rencontre entre deux géants de l’histoire : l’un des plus brillants historiens du monde musulman et l’un des plus impitoyables conquérants de l’époque. « Un historien a rarement la chance de s’entretenir avec un géant de l’histoire, et c’est encore plus rare quand l’intervieweur est lui-même une figure exceptionnelle », souligne Frances Carney Gies, spécialiste américaine de l’histoire médiévale, dans «The man who met Tamerlane». Pour Ibn Khaldoun, cet épisode a été sans conteste «le plus spectaculaire de son existence », insiste Yves Lacoste, géographe né au Maroc. L’épisode le plus inattendu aussi et sans doute le plus redouté. Alors qu’Ibn Khaldoun a décidé de passer le restant de ses jours en Egypte, au Caire, l’une des rares régions épargnées par la guerre des frontières et les luttes intestines, il est contraint par le sultan An-Nâsir Faraj Ibn Barquq à prendre part à une campagne contre Tamerlan, qui vient de conquérir Alep et s’apprête à faire de même avec Damas.
Par Nina Kozlowski
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La marche sur Damas : Tamerlan et Ibn Khaldoun
1. Un grand instant de l’histoire de la pensée
Observer le déroulement des grands évènements qui ont traversé notre planète tout en s’observant soi-même, les voir, les revoir et les réinterpréter, nous permet de mieux comprendre l’évolution du monde, de mieux nous comprendre nous-mêmes et, par voie de conséquence, de mieux agir. C’est le cas, me semble-t-il, lorsque nous examinons avec un nouveau regard les rencontres au sommet qui ont lieu à Damas, entre le 10 janvier et le 14 février 1401. Face-à-face, l’abîme sépare alors deux lectures de la conquête : par la réflexion, la méditation et la prière, Ibn Khaldoun a conquis les processus mentaux de la personne humaine, alors que Tamerlan entend dominer le monde par l’épée.
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