Le Maroc a connu un ensemble de calamités naturelles et d’épidémies, parfois très graves, durant la période coloniale. L’anthropologue Hassan Rachik nous raconte tout cela par la voix de son père…
Mon père avait six ans lorsque la variole (tabrruct) frappa le village en 1926. Les étrangers atteints de cette maladie n’étaient pas admis au village. Ils se réfugiaient au cimetière et certains y restaient jusqu’au dernier souffle. Les résidents malades n’étaient pas expulsés.
Mon père se souvient aussi du vaccin (igzi) contre la variole effectué par un agent de santé français. La trace est encore visible sur son genou. Premier contact avec un Français et avec la médecine moderne.
Le Souss, niche écologique de la peste
L’année 1926 était aussi une année de sécheresse et de disette. N’ayant plus rien à manger, plusieurs familles quittèrent le village la nuit de peur ou plutôt de honte d’être aperçues. Les gens marchaient à pied vers les régions les moins touchées. D’autres, affaiblis et affamés, se présentaient au village. Mon père décrit ces scènes quotidiennes où ces étrangers, s’accrochant à la vie, suppliaient les habitants en gémissant : «Secourez une âme !» (otqat rrup).Pénurie oblige, un bol de bouillie de céréales (askkif) était partagé entre plusieurs misérables. Le village de mon père était relativement aisé, les gens malgré la disette avaient de quoi survivre. Historiquement, le Souss constituait une niche écologique de la peste. En 1940, plusieurs foyers y étaient identifiés (Rivet, 1992, pp. 94-97). Au village, la peste, connue sous le nom de walsis (ganglion), sévit entre 1940 et 1945. On sait que la peste se déclarait d’abord chez les rats, dont le nombre se multipliait suite à une abondante récolte. Elle était ensuite transmise à l’homme par la piqûre des puces de rat. Elle était caractérisée par l’apparition d’une ou plusieurs bubons (ganglions augmentés de volume) suppurés dans l’aisselle, le haut de la cuisse ou le pli de l’aine.
(Ce texte est extrait du livre «Anthropologie des plus proches, retour vers le temps de mes parents» publié en 2012. Les titres intérieurs et l’editing sont de Zamane).
Par Hassan Rachik
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