Dans son discours à l’occasion du 22ème anniversaire de son accession au trône, le roi Mohammed VI a consacré une large partie aux relations entre le royaume et l’Algérie. Il y prône l’apaisement des tensions, invite le président voisin à une rencontre, et appelle à la réouverture des frontières terrestres. Les Algériens s’en étonnent, mais ce n’est pourtant pas la première main tendue du souverain…
«Nous entendons continuer de prendre des initiatives en toute sincérité et d’être à l’écoute de toutes les bonnes volontés, pour rétablir des relations normales entre le Maroc et l’Algérie. Quelles qu’elles soient, les différences de points de vue dans ce conflit ne sauraient justifier la poursuite de la fermeture des frontières. Cette mesure unilatérale est vécue par les deux peuples comme une sanction collective incompatible avec leurs liens de fraternité historique». Ceci n’est pas un extrait du dernier discours royal prononcé le 31 juillet dernier. Si ces paroles sont bien celles de Mohammed VI, elles ont été prononcées à l’été 2008… il y a donc 13 ans. Difficile donc de prêter attention au scepticisme de la presse algérienne qui croit déceler «une manœuvre politique» derrière le dernier discours du souverain marocain. Car les faits et les archives sont têtus, la main tendue de Mohammed VI au voisin de l’Est est une constante de sa politique diplomatique. La dernière en date apparaît en 2008, à l’occasion de la commémoration de la Marche Verte, quand le roi a appelé l’Algérie à un dialogue «direct et franc», et a même proposé la création d’un «mécanisme politique conjoint de dialogue et de concertation pour dépasser les différends». Il y a treize ans, le climat entre les deux voisins était moins tendu qu’aujourd’hui.
Et pourtant, l’initiative du monarque est restée lettre morte. Cette fois, et en invoquant l’Histoire, Mohammed VI a souhaité dépasser la conjoncture du moment car, de toute évidence, les problèmes de voisinage persisteront tant que la volonté d’apaisement n’existe pas. C’est en ce sens que le roi a rappelé dans son dernier discours que «force est de constater que ni Son Excellence, l’actuel président algérien, ni l’ex-président, ni Moi-même ne sommes à l’origine de cette décision de fermeture». La frontière terrestre close en 1994 est effectivement l’élément le plus visible et le plus spectaculaire de l’hostilité entre les deux pays. Un épisode qui s’était écrit à l’ère de Hassan II et Liamine Zéroual. Mohammed VI a déjà montré sa volonté à faire table rase du passé, en témoigne l’initiative de l’IER (Instance Equité et Réconciliation) de 2004, où le linge sale des années de plomb est lavé en famille. La question de la frontière est une priorité pour le monarque, qui rappelle qu’il n’a eu de cesse «de clamer haut et fort cette idée et de la réaffirmer à maintes reprises et en diverses occasions».
27 ans plus tard, ce vestige du passé se dresse toujours comme un obstacle pour un avenir commun plus radieux. Quant à l’appel d’une rencontre entre les deux chefs d’états, il est lui aussi historique. La dernière a eu lieu en 2005 à Alger entre Mohammed VI et Abdelaziz Bouteflika. Désormais, la balle est encore dans le camp de l’Est…