C’est la bataille la plus épique livrée par le Maroc au cours du dernier millénaire. La bataille des Trois Rois ou Oued El Makhazine, a consacré le jeune sultan Ahmed Al Mansour en 1578. L’éblouissante aura de ce dernier éclipse pourtant un autre personnage central, son frère ainé le sultan Moulay Abdel Malik. Retour sur la mémoire d’un souverain au règne bref, mais au parcours ô combien tortueux…
Un doigt posé sur la bouche. L’ordre est limpide et incontesté : «Silence, ne dites rien !». Seule une poignée d’hommes en tenue de guerre assiste à cette scène, celle du crépuscule d’un roi. À l’extérieur de la tente du monarque, le vacarme de la bataille est furieux. Les odeurs de poussière et de poudre se mêlent à celle du sang qui continue à irriguer cette vaste plaine atlantique, sur les rives de l’oued Loukos. Au milieu de l’après-midi de cette suffocante journée du 4 août 1578, les troupes marocaines sont en train de tourner la situation à leur avantage.
La partie est encore loin d’être gagnée mais le moment est décisif. Le sultan, à l’agonie, sait par expérience l’importance de faire taire sa mort. L’ordre donné à ses fidèles est la dernière tactique mise en place par celui qui pourrait légitimement postuler au titre de héros de la bataille des Trois Rois. La mémoire du sultan saâdien Moulay Abou Marouane Abdel Malik ne fait pourtant pas le poids face à celle de son frère cadet, Ahmed, surnommé Al Mansour (le victorieux), puis Addahbi (le doré).
Premier souverain à trépasser lors de l’affrontement de Oued El Makhazine, l’ainé des deux ne jouira jamais des retombées de la plus éclatante victoire militaire de l’histoire du Maroc. De même pour le trône, qu’Abdel Malik n’occupe que durant deux années, entre 1576 et sa mort en août 1578. Ce pouvoir suprême, le sultan l’a pourchassé toute sa vie durant, dont près de deux décennies passées en exil.
Par Sami Lakmahri
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