Lorsqu’il prend les rênes de la Résidence Générale à l’été 1912, Hubert Lyautey a 58 ans. Si la gloire est encore à venir, sa vie avant le Maroc n’en est pas moins ordinaire. Destiné à servir dans les hautes sphères de la République, ce fervent monarchiste va aussi penser qu’un nouveau colonialisme est possible. Ses expériences au Tonkin, à Madagascar et sa rencontre avec Gallieni vont déterminer celui qu’on appellera «l’architecte du Maroc moderne».
De sa mère, Laurence Charlotte Grimoult de Villemotte, Hubert Lyautey hérite d’une lignée noble qui selon ses propres recherches, remontent à la monarchie : «C’est ainsi que nous nous trouvons descendre, par filiation régulièrement établie, de Saint Louis à la 22ème génération». La passion monarchiste qui anime toute la carrière et la vie de Lyautey lui vient aussi de sa famille et plus particulièrement de ses tantes maternelles qui jurent alors fidélité au Comte de Chambord, dernier prétendant à la couronne de France. Quant à son père, Just Lyautey, polytechnicien et ingénieur des Ponts et Chaussées, il se distingue par une brillante carrière d’ingénieur dans le civil. Une exception dans cette famille vouée à l’Armée mais qui va profondément marquer Hubert Lyautey dans sa passion pour l’urbanisme et l’architecture. Lorsqu’il nait le 17 novembre 1854, Lyautey est donc destiné à incarner les valeurs de sa famille sans jamais s’en démarquer. Mais avant même d’atteindre ses deux ans, l’enfant est victime d’un accident qui n’est pas sans conséquence sur la suite de son parcours…
Pour un bébé d’à peine 18 mois, une chute d’une dizaine de mètres est d’ordinaire fatale. Mais pas pour Hubert Lyautey, que sa nourrice a malencontreusement fait choir depuis le premier étage de la grande demeure familiale de Nancy. Pour un temps, l’espoir de l’héritage militaire de Lyautey va brusquement s’effondrer. Plus tard, il fera lui-même le récit de cet accident : «Je tombai la tête la première sur le pavé. Je ne fus pas tué sur le coup, parce qu’en route, j’avais heurté l’épaule d’un cuirassier qui avait amorti le choc. Je me fendis le front ; je saignais beaucoup, mais, comme je criais, on en conclut que je n’étais pas mort !».
S’il ne meurt pas, l’enfant miraculé est tout de même contraint à une enfance sous le signe du handicap. Touché à la colonne vertébrale, il ne marche, à l’aide de béquilles, qu’à l’âge de 7 ans. Alité la grande partie de son temps jusqu’à ses 10 ans, Hubert Lyautey va tôt se passionner pour les livres, surtout ceux des récits coloniaux qui le plongent dans les confins de l’empire français.
Par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’article dans Zamane N°117