Les interventions médiatiques du prince Moulay Hicham ne passent pas inaperçues. Elles sont attendues, décortiquées et décryptées. Que ce soit sous Hassan II ou Mohammed VI, elles ont fi ni par représente unmoment important dans le fonctionnement de la monarchie, voire dans la vie politique du pays. Evidemment, le statut es qualité de la source y est pour beaucoup. De plus, le prince connaît l’importance des médias et la valeur de la communication. Il y va de son propre chef où à la demande du support de son choix. Il se trouve que son propos et les sollicitations dont il fait l’objet relève, généralement, de l’analyse du présent, avec ses méandres et ses défi s ; et de la prospection du futur proche, avec ses promesses et ses imprévus. La tonalité est invariablement très politique, fortement imprégnée d’une pointe passionnelle. C’est sa marque de fabrique. Dans le présent entretien avec Moulay Hicham (lire pages 34 à 47), nous avons choisi de revenir sur un passé commun, à travers le vécu de Moulay Abdellah. Un regard inédit et hautement instructif du père sur son époque et du fi ls sur le père. D’autant qu’il concerne une période où le père était à la fois observateur et acteur, et le fi ls d’un âge où tout interroge, tout intrigue, sans avoir, forcément, de réponses à des questionnements marqués par la pertinence de sa génération. Ce n’est donc pas une façon d’éviter un factuel de proximité qui confi ne à la promiscuité, mais de dire que l’histoire conjuguée au présent trouve souvent, pour ne pas dire toujours, ses clés de causalité et d’intelligibilité dans le passé. Connaissant la disponibilité intellectuelle de Moulay Hicham et sa passion pour la politique, on ne peut que souscrire à cette relation de cause à effet ; surtout lorsque cette relation est fortement appuyée sur une fi liation parentale qui ne peut être que prise en compte.
Le prince y consent lui même, dans un autre entretien avec une revue française, lorsqu’il dit : «Je mentirais si j’affirmais que la biologie est étrangère à mes convictions». Malgré tout, le prince a essayé de rester, tout au long de cette interview, au plus près des faits et des questions qui lui ont été posées. On ressent également ce souci de véracité lorsqu’il évoque le règne de son grand père, Mohammed V, et sa mort précoce. On en prend aussi la mesure quand il parle d’une phase critique de la vie de son père, dominée par une oisiveté mauvaise conseillère, qui ne lui a pas fait que du bien. Sont ainsi passés en revue les évènements et les situations que Moulay Abdellah a vécu ou subi, pendant l’une des époques les plus cruciales et les plus dures que le Maroc indépendant ait connu : la construction d’un Etat post colonial et ses diffi cultés ; l’affrontement avec l’opposition et les relations suspicieuses entre le mouvement national et le palais ; les deux tentatives de pushs militaires et le rapport du pouvoir à l’armée ; les liens compliqués, faits d’admiration et de tension, qu’entretenait Moulay Abdellah avec son frère aîné, Hassan II, les rôles dévolus à Moulay Abdellah, à titre offi ciel ou offi cieux, particulièrement auprès de l’opposition ; et bien évidemment, la vie de famille au sein du giron royal. Il était naturel, dans ce survol rétrospectif, que Moulay Hicham aborde son propre vécu auprès de son père, et plus particulièrement après le décès de celui-ci en 1983 ; ainsi que ses relations avec son grand oncle, Hassan. Il l’a fait en fi ligrane, de façon succincte mais expressive.
Le retour sur ces questions majeures, à partir de témoignages de première main, est d’un grand apport en termes de connaissance d’une période récente de notre histoire. C’est d’autant plus vrai que Moulay Abdellah n’étaitpas bien connu du grand public. Certes, il était de nature discrète. Sauf que les médias n’avaient pas le même impact qu’aujourd’hui. Mieux, la médiatisation des membres de la famille royale était sous contrôle de Hassan II.
C’est tout l’intérêt de notre coup de projecteur sur Moulay Abdellah, le prince méconnu. Qui pouvait mieux en parler que son propre fi ls. Cela tombe bien, notre interlocuteur est féru d’histoire politique. On sait d’ou ça vient ! Sur ce, toute l’équipe de Zamane vous souhaite de très bonnes vacances et vous donne rendez-vous en septembre prochain.
YOUSSEF CHMIROU
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION