Ils n’étaient qu’une poignée à exercer ce métier à haut risque. Avocat des opposants du régime durant les années de plomb, maître Abderrahim Berrada aura marqué son époque. Celle-ci se souviendra que cet homme d’honneur et de conviction s’est éteint le 20 février, comme un symbole. Abderrahim Berrada a donc tiré une ultime révérence à l’âge de 83 ans. En héritage, il laisse l’image d’un infatigable combattant pour la liberté, mais aussi un livre «Plaidoirie pour un Maroc laïque» paru en 2019. Plus tôt, il s’était également confié à Zamane (numéro 80) dans un long entretien où il raconte son parcours, ses amitiés et les épreuves qu’il a dû affronter. À propos de son métier, maître Berrada explique qu’il n’était pas question de gagner un procès dans les règles de l’équité, mais plutôt d’en révéler la farce : «Dans le prétoire, vous avez affaire à des juges programmés pour condamner. Le rôle de l’avocat politique est de faire en sorte que ces juges soient contraints de lever le voile derrière lequel ils se cachent. Le but est de les mettre à nu et montrer qu’ils sont là uniquement pour réprimer. Il faut dénoncer leur incarnation du pouvoir car derrière leurs robes, les codes et le jargon judiciaires, ils sont en réalité le pouvoir». Le Maroc perd une figure de son combat contre l’arbitraire, mais également le témoin précieux d’un temps qu’il espérait révolu.
Abderrahim Berrada : «Je ne me suis jamais remis de la mort de Omar Benjelloun» – Zamane