Il l’est l’une des principales figures de la résistance au Protectorat français au Maroc. Moha Ou Hammou Zayani, intrépide seigneur amazighe du Moyen Atlas, est notamment le héros de la bataille de Lehri, durant laquelle il a mis en déroute l’armée coloniale. C’est pour mieux comprendre cet homme, qui est également son grand père, que Fatima Amahzoune s’est lancée dans la quête d’une vie. Auteure d’une biographie complète et minutieuse sur le chef Zayane, elle nous révèle la personnalité et les secrets de celui qui était craint de Lyautey en personne…
Vous êtes l’auteure d’une biographie de Moha Ou Hammou, votre grand-père. Est-ce un projet de longue date ou l’idée est-elle venue sur un coup de tête ?
Je dirais un peu des deux. Depuis ma tendre enfance, j’entends évidemment beaucoup parler de Moha ou Hammou, faisant de lui une référence incontournable. Mais, à l’époque, je ne savais pas vraiment qu’il n’était pas seulement mon grand-père et une figure paternelle respectée au sein de ma famille. J’ai compris qu’il était un peu plus que cela à l’âge de 11 ans précisément, lorsqu’un journaliste venu de Rabat pour faire un reportage sur Moha Ou Hammou, m’a demandé par hasard où se trouve le bureau des anciens combattants de Khénifra. Lorsqu’il m’explique que c’est pour les besoins d’un article sur Moha Ou Hammou, je me suis empressée de lui révéler qu’il s’agit de mon grand père. À peine s’est-il rendu compte de l’intérêt de ma présence pour son article que j’ai filé me réfugier chez moi puisque je n’avais alors pas le droit de parler à un homme, encore moins à un étranger. Mais j’ai compris à cette occasion que la personne de Moha Ou Hammou était connue à l’extérieur de mon cercle géographique et familial. Je prenais donc conscience qu’il avait quelque chose d’exceptionnel, ou tout du moins qui sort de l’ordinaire, sans encore savoir pourquoi. Une fois adulte, petit à petit, j’ai eu la confirmation de cette impression et l’idée de faire quelque chose autour de sa vie s’est imposée.
À quel moment décidez-vous de vous lancer dans une enquête sur sa vie et son parcours ?
C’était au début des années 2000, à l’occasion d’un voyage avec mon mari. Il était pilote de chasse et, un jour, après avoir de nombreuses fois survolé les zones sud du Maroc, il décide de les visiter, mais cette fois en voiture, et en prenant le temps de découvrir ces régions. Je l’ai accompagné et nous voilà en visite dans la petite ville de Tamegroute, non loin de Zagora, où nous avons rencontré le responsable de la bibliothèque locale, connue pour abriter des livres rares et précieux. Il nous fait la visite des lieux et nous explique que la charpente du magnifique dôme de l’édifice est construite en madrier de cèdre, qui a été offert par un grand seigneur du Moyen Atlas du nom de Moha Ou Hammou. Non sans avoir échangé, mon mari et moi, un regard complice, nous avons décidé de ne rien dire pour le moment tandis que l’homme nous expliquait la difficulté avec laquelle cette précieuse cargaison de bois a été acheminée depuis Khénifra jusqu’à Zagora, à dos de chameau et de mulet. Ce n’est qu’à la fin de son récit que mon époux dit à notre homme : «Je vous présente la petite-fille de Moha Ou Hammou Zayani». Sa réaction a été un véritable déclic pour moi et m’a fait comprendre ce que pouvait incarner mon grand-père. Le vieil homme s’est aussitôt prosterné face à moi et a ensuite insister pour embrasser ma tête tout en me bénissant à plusieurs reprises. C’est à ce moment précis que je me dis qu’il est temps de lancer une quête sur l’homme et le personnage historique qu’était Moha Ou Hammou.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’interview dans Zamane N°149