Oui, l’option atlantique opérée par le Maroc est un choix stratégique, intelligent et irrécusable. Mais l’Atlantique n’est pas que la géographie. Certes, c’est un élément fondamental, mais non exclusif. Rappelons, au passage, que le terme atlantique renvoie à la Charte atlantique, adoptée en 1942 par le président américain Roosevelt et le Premier ministre britannique Churchill, plate-formepour l’émancipation des peuples sous le joug du colonialisme. Nos aînés ont «coupé le jour» (carpe diem), c’est-à-dire saisi l’occasion, pour préfigurer la référence à la Charte atlantique, dans le Manifeste de l’indépendance. Ils ont vu juste.
L’Atlantique a pris une nouvelle configuration au lendemain de la deuxième guerre mondiale, et devient un adjuvant du containment. En 1949, naîtra l’organisation atlantique de défense. Et depuis, le Maroc est un allié privilégié. Par les facilités qu’il accordait, dans un monde en ébullition. Ceux qui étaient aux commandes, dans un monde volatile, ont fait les bons choix, malgré le discours hostile tonitruant de l’époque.
Mais l’Atlantique fait peau neuve car elle n’est pas que géographique : la géographie est presque constante et la politique est quasi variable face aux multiples défis (nouveaux problèmes) et aux grands chambardements avec ce qu’on appelle le bouleversement des hiérarchies (nouveaux acteurs). L’idée atlantique s’est déclinée dans ses séquences antérieures, par opposition à une orientation. Elle ne fera exception dans la phase actuelle. Ce n’est pas un club qu’on intègre dans un moment de loisir,agrégeant pour la circonstance plusieurs cartes d’adhésion, mais un camp, dans ce que nous appelons, par un terme savant, le campisme.
Quel serait l’Autre ? Visiblement, la mer de Chine, où se déroule une guerre commerciale des plus acharnés, une course d’influence, les bâtiments de guerre, des engins d’espace, etc.
Quel serait le théâtre de confrontation de prédilection ? L’Afrique, l’avenir de l’humanité. Deux grandes stratégies économiques, pas qu’économiques, s’affrontent. Le Belt Road Initiative (BRI), la route de la soie, et le Build Back Better Wordl (B3W) se marient-ils ?
À nos «stratèges policés» de se pencher sur la question. Dans le long jeu (The Long Game), selon le terme de Doni Rosh, l’attelage, cela ne tiendra pas, n’en déplaise à notre chef de la diplomatie.
Il faut garder le cap sur l’Atlantique. Cela comporte des opportunités, et il faut s’y atteler dans ce grand chantier qui titube, encore, l’éducation, et aussi des valeurs, dont la plus redoutable des armes du soft power est la démocratie. Et la démocratie, ce n’est pas que des élections ou des partis politiques. La démocratie, au-delà de l’ingénierie électorale, est l’âge de maturité des sociétés, qui s’affranchissent de la tutelle d’un père de la nation (immaculé), d’un parti ou d’une idéologie (messianique).
Un tel choix stratégique, voire vital, pour notre pays, n’est pas sans danger. Il bouscule des ordres en interne et sur le plan régional, et il ne sera pas étonnant qu’il soit attaqué, avec des velléités de sabordement.
Nos décideurs ne perdraient pas à s’ouvrir à nos officines partisanes, sans tintamarre, sur l’option atlantique, avantages, défis et gageures. Oui, l’opinion publique doit être édifiée. Une opinion avisée en vaut plus que deux.
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane