On le savait : l’attribution du Mondial 2030 au Maroc est une belle victoire en soi. Mais qui appelle à d’autres victoires et à d’autres défis. Il s’agit, ni plus ni moins, que de mettre sur pied un pays prêt à accueillir la plus grande messe du monde contemporain. Depuis le Mondial 2018, le Mondial de football est même passé, pour la première fois, loin devant les Jeux Olympiques. Et la tendance, depuis, s’est accrue.
Si les Marocains aiment tant voyager et partir à la découverte du monde, cette fois c’est le monde qui vient à eux. Le monde entier. Avec ses différences, ses exigences, ses droits, ses rêves. Avant d’imaginer les retombées de cet événement extraordinaire, il faut déjà penser à l’effort gigantesque (c’est le mot) qui doit être mené à travers tout le pays, et pas seulement dans les six villes retenues pour abriter des matchs. Jamais le Maroc n’a été confronté, par le passé, à une œuvre de cette dimension. À côté, la CAN (Coupe d’Afrique des nations) que le Maroc s’apprête à accueillir aussi en 2025, ou la signature des fameux accords du GATT en 1994, ressemblent à une répétition à petite échelle. N’ayons pas peur des mots : c’est à un véritable projet de développement que l’on a affaire. Sans doute le plus grand de l’histoire du Maroc moderne. Développement humain, s’entend, et pas seulement (infra)structurel. Parce qu’il n’est pas question que d’hôtels, aéroports, autoroutes, trains, avions, hôpitaux, espaces verts, lignes de RER, stades, restaurants et lieux de loisirs, arrondissements de police, télécommunications, systèmes de sécurité et de renseignement, etc. Il est question aussi de qualité d’accueil, de mixité sociale et humaine, de ce way of life à la marocaine qui s’invitera à une exposition universelle. Il s’agit d’une entrée concrète dans le village-monde où le Maroc parlera le même langage universel que les autres.
Et en parlant de langage, même les taxis devront se mettre à niveau, soigner leurs machines, leur look, leur conduite. Et leur anglais !
Ce Mondial est un cadeau, une fleur que le monde offre au Maroc. D’autres pays en ont rêvé et n’ont pas encore reçu cette fleur. Une grande nation comme la Turquie, voire la Chine aussi, n’ont pas fini d’attendre leur tour…
La mise à niveau générale a déjà commencé. Et à côté des gros travaux, il faut également miser sur un retoilettage de l’arsenal juridique qui encadre la société marocaine. Avec une tendance au «dégel» (nettoyage des lois archaïques), allant vers plus de liberté, d’égalité, d’équité, de respect des différences, des minorités. Nous parlions plus haut de cadeau et de fleur. Le mot le plus juste et le plus beau serait «chance». C’est une magnifique chance à saisir, une aubaine incroyable, une opportunité qui ne se présente qu’une fois dans la vie.
Il suffit de consulter la liste des pays qui ont eu l’honneur et la chance d’accueillir une Coupe du monde depuis la naissance du tournoi en 1930. Que du haut niveau, la crème de la crème. En 1986, la Colombie, grand pays d’Amérique latine, avait obtenu l’organisation avant de se désister, en étant incapable de relever le défi. Inutile de dire que ce beau et vaste pays s’en mord aujourd’hui les doigts. Parce qu’il n’a pas su monter dans ce train qui ne passe qu’une fois…
On comprend alors que le défunt Hassan II ait tant rêvé d’organiser un Mondial. Surtout dans les dernières années de sa vie. Il a joué son va-tout en 1994 et plus encore en 1998, peu avant sa disparition. Il a mouillé la chemise, mais pas seulement par passion pour le football. Il avait compris qu’un Mondial aurait donné une plus grande envergure encore à ses dernières années de règne, et de vie. Avec un beau projet de développement humain à la clé.
Par Karim Boukhari
Directeur de la rédaction