La bibliothèque du sultan Moulay Zidane est considérée comme la plus précieuse jamais possédée par le Maroc. Incapables d’empêcher sa disparition en 1611, les pouvoirs successifs n’ont jamais pu récupérer ce trésor national.
Pourquoi la recherche en histoire est-elle à la peine au Maroc ? À cette question, la plupart des spécialistes se plaignent du manque de documents écrits qui permettraient de se procurer de la matière de travail. Une absence régulièrement expliquée par la spécificité locale de la transmission du savoir par voie orale. Une alternative jugée, à raison, bien moins fiable et qui porte atteinte à la véracité des informations qui traversent les âges. Pourtant, un évènement capital va changer le cours de l’histoire et priver le pays de centaines de milliers de pages manuscrites uniques. À la fin du XVIe siècle, l’instabilité politique des Saâdiens met en péril les trésors amassés par les monarques sur plusieurs générations. Au cours d’une fuite rocambolesque, le sultan Moulay Zidane (1613-1628) perd son autorité sur Marrakech, mais également la précieuse collection de manuscrits dont il a la responsabilité. Depuis cette perte tragique, les intellectuels marocains ne cessent de se lamenter, pressant les souverains successifs à récupérer la bibliothèque royale. Malgré des efforts louables, aucune tentative de récupération n’aboutit. Les insuccès des différentes missions depuis plus de quatre siècles sont symboliques du changement radical du rapport de force entre Marocains et Européens. Le constat est sans appel : l’empire chérifien n’est plus en mesure de concurrencer les Occidentaux dans quel que domaine que ce soit. Pire, même le savoir cumulé pendant des siècles et qui constitue le capital intellectuel du Maroc ne peut être récupéré.
Par Sami Lakmahri
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