Un ensemble d’expositions dans les principales et petites villes du Maroc, des conférences, des débats, des représentations théâtrales, des publications et un ensemble de festivals de musique et surtout du septième art, dans un pays où les salles de cinéma sont désertées et disparaissent ainsi les unes après les autres, laissant derrière elles des souvenirs qui deviennent chaque jour lointains et de l’ordre du mythe. Des festivals dans les grands centres, les petites villes et quelquefois mêmes dans des bourgs éloignés semblent avoir un même souci ; redonner au cinéma son éclat de jadis.
Cet engouement pour la culture sous toutes ses facettes, a-t-il une explication au regard des rentrées culturelles des années précédentes ? Si l’on excepte les années dures de l’internement collectif à cause de la pandémie, comment se passaient les rentrées culturelles et artistiques au Maroc ? Dans un pays où la tradition tient encore une place importante, où une grande majorité des décideurs ne fait pas encore la distinction entre culture et instruction (enseignement), il est difficile de parler de l’importance des rendez-vous culturels qui s’installent en tant que rituels fixés dans le temps et drainant une foule de fidèles comme dans certains rendez-vous religieux ou spirituels.
Nous pouvons accepter que la rentrée, cette année, soit exceptionnelle. Elle arrive après un vide culturel jamais vu dans notre pays. Pendant la pandémie l’on a beaucoup parlé et écrit à propos de l’absence de culture. Une certaine nostalgie s’était subitement emparée même de ceux qui souvent brillaient par leur absence dans les manifestations culturelles et artistiques. Pendant deux années on n’a pas arrêté de réclamer de l’activité culturelle ce qui a apparemment encouragé les acteurs à mettre en place plusieurs actions. On s’en félicite certes !
Mais le public marocain, qui avait l’habitude de voir les programmations des galeries en automne, l’édition à l’approche du Salon International du Livre et de l’édition et les festivals et rencontres de grande envergure au printemps et en été, cette année il a été submergé par la programmation des festivals organisés en dehors de leurs dates habituelles. Un automne pas comme les autres.
Comment expliquer cette bousculade programmatique ? Qu’est-ce qui se cache derrière cette fougue culturelle inattendue ? Est-ce que les organisateurs ont senti que le public marocain avait une faim culturelle ? Comment pouvaient-ils le savoir ? Y a-t-il eu un sondage pour connaître les tendances du public, ses attentes, etc. ? Si cela avait eu lieu, nous n’en avons pas été informés.
Dans des pays où les manifestations culturelles font partie de la politique générale de l’État, changer le rendez-vous d’un événement culturel ou artistique pourrait entrainer des dégâts économiques énormes. Il pourrait tout aussi être considéré comme une insulte au public. Paradoxalement, il est impossible de changer la date du Moussem Moulay El Kamel à Meknès, celui de Moulay Brahim dans la région de Marrakech ou celui de Moulay Abdellah à El Jadida. Les uns sont rattachés à des occasions religieuses bien précises et les autres à la fin de la saison des moissons. Les dates sont fixes et ne peuvent bouger au goût des organisateurs. Les autorités officielles veillent scrupuleusement au respect du calendrier.
Quelques organisateurs d’événements culturels et artistiques m’ont confié que la cause des changements de calendriers sont dus tout simplement à des engagements avec des donneurs de subventions, essentiellement le ministère de la Culture et le CCM, qui les somme d’organiser l’événement au courant de l’année financière mentionnée dans les cahiers de charge, et conjointement signés par les partenaires.
Est-ce par pure contrainte administrative qu’on vient à créer ce carambolage culturel ?
Pour les Moussem traditionnels, on veille au respect du calendrier et du public en revanche pour la pratique culturelle moderne on se plie à la rigidité de l’administration.
Par Moulim El Aroussi, conseiller scientifique de Zamane