On connait la fameuse phrase de Clemenceau, la guerre est une affaire trop sérieuse pour la confier aux militaires. On serait tenté de dire que la diplomatie est une affaire trop sérieuse pour la confier aux seuls diplomates. On sait aussi que politique étrangère et diplomatie ne riment pas forcément. La politique étrangère est la chanson, la diplomatie est le ton. La politique étrangère est l’idée, la diplomatie en est le style.
Notre pays, depuis des lustres, retrouve l’attrait de la politique étrangère et son charme. Il avait développé de nouveaux paradigmes, fait d’axes ou de cercles, en diversifiant ses partenaires. Mais c’est à partir de son réouverture sur l’Afrique, que les contours d’une nouvelle politique étrangère commencèrent à s’esquisser. L’ouverture vers l’Afrique est un choix stratégique, intelligent et prospective. Il reste à l’accompagner par un secteur privé entreprenant et par une politique éducative adéquate. Tout le monde est d’accord là-dessus. Reste le comment, et c’est là le hic.
Mais la politique étrangère d’un pays, est sujette aux chambardements qui secouent le monde. Une bonne politique étrangère est celle qui s’adapte. Et la nôtre, ou plutôt, celle menée par nos décideurs, a fait preuve d’intelligence, en s’adaptant. Nous ne discutons pas le thème, mais la version. Il y a bien sûr un examen de passage pour le nouvel ordre en perspective, c’est la position sur la guerre russo-iranienne. Il n’y a pas à lésiner ou à fourvoyer là-dessus. Il faut se mettre du côté de la légalité internationale. Une agression est une agression. Si on ne peut pas appeler un chat un chat, au moins parler de l’animal qui miaule. Et somme toute, notre diplomatie, réussit, en catimini, l’examen.
The Old Europe, selon la légendaire expression de Donald Rumsfeld, se cherche, mais elle n’est pas morte. Elle est en crise et vogue entre récifs. Il faut la ménager. C’est-à-dire saisir toutes les subtilités. Distinguer un organisme des pays qui le composent. Distinguer un pays de ses gouvernants. Faire le distinguo entre le conjoncturel et le structurel, et surtout ne pas insulter l’avenir. Jouer la symphonie, en sol mineur. L’avenir fera le reste. Les plus raisonnables de l’Europe savent que c’est une chance d’avoir le Maroc, cette parcelle de l’Europe incrustée en Afrique qui a vocation à être le médiateur entre deux mondes.
Quand on a cette responsabilité, il faut se montrer serein, et surtout ne pas succomber à l’attrait de la cacophonie. Cela ne sied guère à un pays millénaire. Sur le Moyen Orient, il faut marier intérêt et principes, sans que les intérêts n’obèrent les principes. On sait où se trouvent les intérêts, mais le grand intérêt c’est de rester fidèle aux principes et dans le cas d’espèce, la légalité internationale, ni plus ni moins. La résolution 242, et encore la résolution 242. J’allais peut-être oublier un détail, la politique extérieure d’un pays est la continuité de sa politique intérieure. Il n’y a pas de césure, hélas.
Si nous ne voulons pas être l’objet de leçons, il faut renforcer, ce que d’aucuns appellent le front interne. Avec un Etat social. Tout le monde est d’accord, et les instances gouvernementales s’y attellent. Avec l’apurement du dossier des droits de l’homme. Tout le monde est d’accord, mais on n’ose pas trop le dire. Ou plutôt le crier. «Il le faut», comme le dirait Beethoven, à un ami. Il le faut. Pour que la fausse note n’amoche la symphonie entamée, que nous voulons à l’image de la symphonie pastorale. Je rêve, peut-être.
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane