On a souvent dit que la situation au Maghreb et au Proche Orient était compliquée. Mieux, elle défie tous les entendements de la logique dont recèlent les sciences humaines et les cas les plus endurcis qui vont avec. Le constat étant ainsi défini, la réponse est encore plus difficile. C’est dans ce carrefour qui frise l’irréalisable que se trouve le Maroc dans ce qu’il est convenu d’appeler la question du Sahara marocain depuis près d’un demi siècle. Toutes les constructions de la diplomatie internationale se sont régulièrement heurtées à une porte définitivement close où la communication la plus terre à terre est constamment fermée à toute proposition de sortie. La levée de ce bouclage nous est venue des États-Unies d’Amérique, une puissance à l’échelle du globe, qui en a les moyens. Son président, Donald Trump, a fini par s’apercevoir que ce mythe de sisyphe renvoyait régulièrement à la case départ. Le spectre d’une Algérie partie prenante et manipulatrice absolue du Polisario, sans l’avouer, ne ratait aucun rendez-vous onusien pour mieux l’enfoncer dans le faux et l’irréalisable, quelque soit le prix économique et humain.
Au fil de la succession des secrétaires généraux de l’ONU, les déceptions ont été multiples. La mémoire régionale et internationale aura néanmoins retenu le nom d’un Peter Val Walsum, hollandais de sa nationalité et envoyé personnel de l’ONU pour le Sahara marocain, de 2005 à 2008. Face au Conseil de sécurité, Van Walsum est sorti de sa réserve en annonçant que «l’indépendance du Sahara n’était pas une proposition réaliste, ni même un objectif atteignable». À l’évidence, mal lui en a pris. Il n’a pas beaucoup attendu pour être remercié.
Le président américain Trump a enfin usé de son plein droit, son pays étant membre permanent du Conseil de sécurité. Il a explicitement reconnu la marocanité pleine et entière du Royaume sur son Sahara le 10 décembre 2020. Une décision, à juste titre qualifiée d’historique. Elle n’est pas non plus, tombée du ciel, pas plus qu’un cadeau sorti du panier d’un papa Noël généreux. Il fallait bien que la décision en question soit portée à la connaissance du monde entier et que sa concrétisation soit effective. Vite dit, vite fait. D’ores et déjà, cinq milliards de dollars ont été affectés pour la réalisation de projets, pourvoyeurs d’emplois au Sud du Maroc. L’échange de bons procédés a été lent à la détente, mais il a fini par avoir lieu : le Maroc a été le premier pays au monde (en 1786) à reconnaître l’indépendance des États-Unis d’Amérique.
Tout au long d’un processus immuable, une question n’a cessé de tarauder les esprits, celle du rapport du Maroc à l’État d’Israel. Comme attendu, la reprise ou la normalisation des relations avec Israël a produit un choc. Le mot en lui-même était tabou. Il était régulièrement dénoncé par des organisations de la société civile. D’aucuns sont allés encore plus loin, ils ont parlé de trahison. Sans assises sur la réalité de ce conflit, trahison de quoi et pourquoi? La polémique a fait long feu. Au crépuscule de son mandat, Donald Trump a dû rappeler à un beau monde mal pensant les méandres de ce conflit poussiéreux. Il a été aidé par l’historicité des rapports du Maroc à l’égard des juifs marocains. Faut-il rappeler l’intégration totale et ancestrale des juifs dans le quotidien d’une société à la fois arabe et musulmane, tout en étant ouverte à la culture judaïque. Nos compatriotes juifs n’ont eu aucun mal à affirmer leur particularité essentiellement religieuse et sociétale. Une spécificité qui a certainement pesé sur le cheminement des juifs du Maroc à travers le monde, à tel point que les juifs d’essence marocaine sont actuellement de l’ordre d’un million en Israël. Leur présence dans les structures de l’État d’Israel pourrait bien aider à résoudre certains problèmes ; à commencer par le statut de Jérusalem et d’autres territoires occupés. Il est ainsi dit que la position marocaine sur la question palestinienne n’a pas changé. Elle est celle de deux États constitués, palestinien et israélien, vivant dans la paix et la sérénité, avec un statut particulier pour Al Qods.
La mobilisation générale depuis la Marche Verte donne à comprendre que le Maroc est prêt à toutes les éventualités qui menacent son intégrité territoriale. Il a été souvent dit que l’Algérie jouait avec le feu. Ceci d’un point de vue d’une logistique guerrière. Après que l’ère Bouteflika se soit terminée en taule, tous les regards se sont tournés vers son successeur, un certain Tebboune, en costume cravate, qui n’est en réalité qu’un remake de Gaid Saleh, en tenue de parade.
Il se trouve que plus on patine au sujet de l’affaire du Sahara marocain, plus on flirtait avec l’irrémédiable ; autrement dit une confrontation armée entre le Maroc et l’Algérie. Un risque de déflagration et d’embrasement de toute la région. Un risque qui s’est aggravé avec l’affaire de Guerguerat, poste de passage frontalier entre le Maroc, la Mauritanie et un ramassis d’hommes de main à la solde d’Alger. Le Maroc aura déployé des trésors de diplomatie intercontinentale pour éviter ce spectre de tous les dangers.
On en est à se demander s’il n’y a plus d’issue à ce conflit made in Algérie. Et que s’il n’y avait plus de choix entre le diable ou l’Algérie; ça sera plutôt le diable. Ce serait juste une question de temps.
YOUSSEF CHMIROU
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION