Au moment où les révolutions arabes, notamment en Tunisie, posent avec acuité la question de la délimitation du religieux et du politique dans les futures institutions, Zamane ouvre le débat au Maroc.
Au moins depuis l’avènement de l’islam au Maroc, la religion a joué un rôle central dans l’histoire du royaume. Les Idrissides ont les premiers revendiqué une certaine légitimité religieuse, reposant sur leur ancêtre Ali, quatrième calife de l’islam. Par la suite, chaque nouvelle dynastie a cherché à se légitimer par la religion. Les dirigeants marocains ont ainsi toujours eu la tentation d’incarner l’autorité religieuse suprême, une autorité qui se traduit par l’existence du titre de «Amir Al Mouminine», aujourd’hui sujet à controverse : pour les uns, la Commanderie des croyants permet l’unité et la cohérence du pays, pour d’autres, elle est un instrument politique anti-démocratique au service de la monarchie. A l’heure où le Maroc se cherche un nouveau visage, le débat sur la séparation du politique et du religieux refait logiquement surface. La nouvelle Constitution devait donc constituer un tournant historique aux niveaux politique et institutionnel, mais également religieux. Forcément, les attentes étaient disparates : certains, sans doute minoritaires, rêvaient d’un islam confiné dans la sphère privée, tandis que d’autres craignaient que l’Etat s’engage sur la voie de la sécularisation, tournant ainsi le dos aux valeurs morales islamiques dont ils font le ciment de la société. L’épisode de l’adoption du Code de la famille, en deux temps, au début du règne de Mohammed VI, a d’ailleurs bien montré les clivages caractérisant la société marocaine. Plus récemment, le débat autour de la nouvelle Constitution a mis en exergue la notion de «liberté de conscience», finalement retirée du texte à la demande des ouléma instrumentalisant le PJD. Deux hommes de presse ont accepté de nous livrer leurs points de vue, sensiblement différents, sur la laïcité. Pour le journaliste indépendant Khalid Jamaï, la séparation totale et effective de la religion et de l’Etat doit être notre objectif ultime. Pour Mustapha Al Khalfi, directeur du journal Attajdid (quotidien proche du Parti justice et développement – PJD – et du Mouvement unicité et réforme – MUR), l’important est de reconnaître l’influence positive des dogmes musulmans, tout en incorporant le champ religieux dans un pacte institutionnel.
Par Sami Lakmahri
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