À Gaza, on est dans l’inhumain où la barbarie n’a plus à se parer de cynisme et tuer devient un jeu, ou un hobby (sic). On tue sans distinction, on massacre sans retenue, on affame sans vergogne. Israël n’a cure des appels d’indignation. Israël foule les lois humaines. Israël, à défaut de se faire condamner, se condamne. Et si le rapport de force lui est favorable face à des civils affamés et des enfants apeurés, qu’en sera-t-il demain, devant la barre de l’Histoire ?
Est-ce cela le droit de se défendre ? On n’est même plus dans la vengeance. Qu’est ce que tuer des enfants, interdire l’accès de l’aide humanitaire, si ce n’est de la barbarie ? Si les mots font mal, la réalité à laquelle ils réfèrent font encore plus mal. Comment qualifier le coup de force, avec des tirs sur des diplomates venus se rendre à Jénine ?
Mais le monde n’est-il pas complice pour autant, hormis les appels de condamnation, quelques déclarations, ou quelques pétitions ? Les puissances du monde, les Etats-Unis d’abord, seraient-ils incapables de faire fléchir Israël, qui continue de tuer en bombardant des civils et refuse l’accès de l’aide humanitaire ?
L’Europe est, nous le savons, dans la léthargie stratégique, pour reprendre l’expression d’Hubert Védrine. Les positions, certes louables, de la France, de la Grande Bretagne et du Canada, n’ont aucun effet. Hélas. Quelques camions d’aide ont pu pénétrer Gaza, mais la machine de massacre (je n’ose pas dire de guerre, on n’y est plus) fauche de plus belle. Qui pourrait effacer l’image du médecin Ala’a Nejjar, qui vient de perdre ses neuf enfants ? Quant au «sommet» arabe tenu à Baghdad, son exploit majeur est de s’être tenu. Pouvait-il fléchir, de quelque manière, le cours des choses, avec son rituel verbal de condamnations ?
Pas d’amalgame. Les otages devraient être libérés, le terrorisme, comme celui qui vient de viser deux Israéliens à Washington, est condamnable. Continuer à tenir Gaza en tenaille et de l’affamer est intolérable. Mais force tout de même de dire que la barbarie qui a eu lieu à Gaza ne sera pas sans conséquence. Une fabrique de la haine est en train de se produire, qui n’aura même pas besoin de référents idéologiques, comme avec al-Qaïda, et qui est plutôt diffuse, difficilement détectable. Nous sommes sur une dérive plus fâcheuse de l’«Ugly war», conséquente au 11 septembre. L’espoir se meurt et ne laisse place à aucun rêve. Israël sera-t-il plus sécurisé avec ce qui se mijote en guise de «solution finale pour nettoyer» Gaza ? Bien naïf est celui qui le pense. Israël peut-il prétendre à des relations normales avec son pourtour ? Très hypothétique. Son épreuve de force pour faire avorter la solution des deux états est un coup d’épée dans l’eau. C’est le prix pour la paix et la sécurité dans le monde, malgré les délires de l’extrême droite israélienne. Il faut parer au plus urgent. Un cessez-le-feu total et définitif, l’acheminement de l’aide alimentaire. Et une conférence internationale sur Gaza, car il s’agit de la paix et de la sécurité dans le monde. Il faut mettre fin au désespoir. Tuer le brin d’espoir pour prétendre à la paix est la recette pour le chaos. Israël en pâtira, et le monde ne sera pas en reste. Un brin d’espoir jaillit avec le projet franco-saoudien pour une déclaration commune de la solution des deux états. Mais il faut mettre fin, au préalable, à la barbarie.
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane