Pendant le confinement au Maroc, on a fait beaucoup de bruit autour de faux tableaux en circulation aussi bien dans le marché de l’art que dans des expositions prestigieuses. Du moment que nous sommes dans le domaine du vrai et du faux, on ne peut savoir de quel côté la parole se positionne. La soi-disant vraie ou fausse victime ou le soi-disant frai ou faux faussaire. Tel faussaire qu’on ne voit jamais. On ne voit que son œuvre. Venons-en aux faits concrets. Un ami m’appelle un jour pour avoir mon avis sur un lot de tableaux, qu’on lui avait proposé pour acquisition. Je regarde les œuvres, mais je ne reconnaissais pas le travail de l’artiste. J’avais un doute pour un seul carton ; je lui ai alors indiqué la personne qui pouvait le renseigner mieux que moi. L’ami me demanda s’il y avait quelques ressemblances avec les œuvres du peintre défunt ; je réponds par l’affirmative ; il me dit alors : «Je vais les prendre quand même». Sur le chemin du retour, j’ai beaucoup réfléchi sur la notion du vrai et du faux, mais entre-temps les fausses-vraies œuvres ont trouvé leur place dans une collection privée et, qui sait, elles iront peut-être vers la collection d’une institution importante.
Pendant le confinement, un peintre s’insurge pour, dit-il, avoir lu ou vu un tableau à lui qu’il ne reconnaissait pas, accroché dans une prestigieuse exposition. Il affirme que c’était une fausse copie. Il prend la peine de se déplacer, le supposé vrai tableau sous le bras, dans la ville où a lieu l’événement, demande à voir le responsable, et tous les deux vont examiner l’œuvre. Mais, à son grand étonnement, il découvre qu’il avait une mauvaise information, ou qu’il avait du mal à reconnaître son propre travail. Sur le coup, le responsable exhibe un document attestant que l’œuvre a été acquise par une institution respectable du Royaume et que ladite institution détenait une attestation signée par la main de l’artiste lui-même. Que s’est-il passé ? L’artiste en question est de ceux qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école, il ne sait ni lire ni écrire, il ne comprend peut-être même pas l’arabe classique, ni le français… Qui a pu l’induire en erreur ? Qui avait intérêt à créer du bruit autour de ce tableau, voire pour rendre plus visible l’artiste en question ?
Ou est-ce que l’artiste, qui voit se développer son travail tellement vite, n’a plus la capacité de reconnaitre certaines de ces œuvres ?
On le sait quand ils osent. Les faussaires imitent les œuvres d’artistes défunts ; d’abord ça rapporte plus, ensuite l’artiste en question n’est plus là pour les contredire. Il faudra rentrer dans des procédures et des analyses tellement longues pour prouver que l’oeuvre est fausse. Qui va le prouver ? Une œuvre qu’on s’évertue de copier et d’en falsifier la signature est finalement une œuvre qui a de la valeur. Dire que son œuvre a été falsifiée, c’est clamer en quelque sorte que l’on a de l’importance sur le marché de l’art, et c’est dire aussi : «Venez vite prendre mes tableaux car, après ma mort, je ne serai plus là pour vous donner une attestation». Mais qui s’occupe d’une telle machination derrière les artistes ? Ce sont peut-être les faussaires.
Par Moulim El Aroussi