Dans le quartier de Gargadech, en périphérie de la ville de Tripoli, un groupe d’hommes s’affaire dans la pénombre. Ce commando marocain tente l’une des plus audacieuses opérations extérieures menées par les services d’actions du renseignement. La mission, qui a lieu en 1972, consiste à saboter un pylône émetteur en le faisant tout bonnement exploser. Il s’agit de mettre hors service les installations de la radio nationale libyenne avec l’aide d’éléments monarchistes de ce pays. L’opération est un échec et les agents marocains sont arrêtés. Pourquoi le royaume prend-il autant de risques pour détruire un simple pylône, qui plus est en territoire hostile, dans la capitale de Mouammar Kadhafi ? Depuis un an, Hassan II lutte contre des ondes qui envahissent le Maroc, et qu’il juge extrêmement dangereuses. Contrairement aux idées reçues, véhiculées par le Makhzen, ces émissions ne sont pas l’œuvre de l’appareil propagandiste du guide de la révolution libyenne. Elles sont la création de Marocains, membres de l’opposition.
A l’été 1971, sous la bénédiction des plus hautes instances du parti, un programme radiophonique du nom de «Attahrir» trouve une place dans la grille de la radio nationale libyenne. Peu à peu, cette presse qui reprend le titre du journal de l’UNFP, depuis interdit au Maroc, s’impose comme le plus puissant porte-voix de l’opposition à Hassan II. Pendant près de trois ans, Radio Tripoli abreuve les Marocains de discours partisans impossibles à rendre publiques au Maroc. Grâce à l’utilisation d’ondes moyennes à longue portée, «Attahrir» devient un phénomène médiatique très prisé dans le royaume. Au grand dam des autorités qui ne ménagent pas leurs efforts pour en venir à bout. Brouillage des fréquences et tentative de sabotage n’empêchent pas les instigateurs du programme radio de donner la parole aux principales voix dissidentes et même d’accompagner le coup d’Etat de 1972. L’émission marocaine de Radio Tripoli disparait en octobre 1973 avec le déclenchement de la guerre israélo-arabe. Pour les Libyens panarabistes, l’heure n’est plus aux querelles internes.
Aucun Résultat
View All Result