Le Rabbin Mardochée est le premier individu de confession juive à investir l’inviolable cité de Tombouctou. Retour sur le parcours d’un Marocain dont la vie a été tout, sauf un fleuve tranquille.
Au tout début de l’année 1859, les habitants de la ville sainte de Tombouctou assistent médusés à un spectacle inimaginable. Un non-musulman pénètre à la tête d’une petite caravane dans l’antre pourtant inviolée de la sainte cité. Isolée au milieu d’immenses étendues désertiques au cœur du Sahel, Tombouctou est, depuis des siècles, un sanctuaire musulman qui abrite la production théologique la plus influente de la région. Seuls quelques rares et audacieux voyageurs occidentaux se sont risqués à l’explorer. Mais jamais un non-musulman n’est venu dans l’intention de s’y installer ou même d’y développer un commerce. L’audace du rabbin Mardochée Aby Serour est inédite.
Né vers 1830 dans le village de Akka, dans la région de Tata, Aby Serour n’est pourtant pas préparé aux tribulations que lui réserve son avenir. Issu d’une famille très pauvre, son père, ouvrier dans la bijouterie, peine à subvenir aux besoins de la famille. Le jeune Mardochée évolue dans l’environnement clos de son mellah natal. Il intègre l’enseignement rabbinique dès l’âge de 3 ans. Pour autant, la lointaine Tombouctou n’est pas étrangère au jeune garçon. Son village est en effet l’une des étapes de la caravane commerciale qui relie l’empire chérifien à Tombouctou. C’est ainsi qu’il voit régulièrement défiler les marchands marocains, qui font halte à Akka, puis repartent troquer les produits du nord, principalement contre de l’or, encore disponible à cette époque dans le Sahel.
Par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’article dans Zamane N°110 (Janvier 2020)