Michel Rousset, grand ami du Maroc, est d’abord juriste. Il a été professeur de droit public à la faculté des Sciences Juridiques et Économiques de l’université de Rabat en 1963, avant d’être nommé directeur des études de l’École Marocaine d’Administration en 1968. À son retour en France, il a dirigé le décanat de la faculté de droit de Grenoble et fut ensuite président de l’université des Sciences Sociales de la même ville, tout en gardant avec le royaume chérifien des liens scientifiques et affectifs étroits. Ami proche de Driss Basri, et conseiller de Hassan II sur des questions juridiques aux côtés du doyen Vedel, notamment la création des tribunaux administratifs, l’affaire du Sahara et de la régionalisation. Il a contribué à la révision constitutionnelle de 1996, qui a préparé le terrain au premier gouvernement de l’alternance. Nous l’avons rencontré chez lui, à Meylan, dans la proche banlieue de Grenoble, pour cette longue confidence sur sa vie marocaine.
En 2013, vous avez publié «Une vie marocaine», aux Éditions La Porte à Rabat. Qu’est-ce qui a motivé cette publication, hormis les 50 ans de votre carrière au Maroc ? Est-ce qu’on peut parler d’une volonté de rédiger un bilan d’une carrière intellectuelle et scientifique pour relater vos travaux de recherche sur et au Maroc, ou était-ce plutôt un devoir de mémoire afin de témoigner d’une période de l’histoire marocaine vue par un juriste français, par moments de l’extérieur, mais très souvent de l’intérieur ?
Les deux à la fois. Je voulais effectivement faire le bilan de ce que j’avais pu faire, et en même temps à travers ce bilan témoigner de ce que j’avais vu, de ce que j’avais perçu ou pensé d’un certain nombre d’événements et de personnages qui avaient été au premier plan de l’actualité et de la vie politique marocaine.
Qu’est ce qui a primé ? Le devoir de mémoire ou le bilan intellectuel et scientifique ?
Non, rien n’a primé, c’est les deux qui se sont étroitement mêlés.
Dans «Une vie marocaine», vous écrivez ceci : «Je n’ai jamais pactisé avec l’esprit de système ni avec aucune idéologie réductrice ; quoi que puissent en penser certains, je n’ai pas changé d’attitude ou de posture face aux réalités qui, elles, évoluent et dont naturellement j’ai tenu compte». Pourquoi cette affirmation ?
Je vais vous dire pourquoi. J’ai été pris à partie à plusieurs reprises par les étudiants de l’UNEM (Union nationale des étudiants marocains), ici même à Grenoble, qui m’accusaient d’être lié à ce qu’il y avait de plus réactionnaire au Maroc. Au cours d’un colloque organisé à Marrakech par les barreaux du Maroc et l’Association Internationale des Barreaux, l’un des participants a accusé les consultants français de s’être rendus complices des atteintes aux droits de l’Homme. Et comme j’étais le seul Français présent, il était évident que cette imputation me visait. Le bâtonnier de Marrakech, après que j’eus affirmé que je ne répondrai pas à cette calomnie, affirma qu’il y avait là une contre-vérité.
Propos recueillis par Abdellatif El Korchi
Lire la suite de l’interview dans Zamane N°133