Il est l’auteur d’un phénomène de société sans l’avoir vraiment cherché. Mohamed Abderrahmane Tazi, réalisateur du cultissime «À la recherche du mari de ma femme» (1993), est sur le point de dévoiler sa nouvelle œuvre autour de la figure de Fatema Mernissi. Il nous explique son actualité et son rapport à l’illustre sociologue et féministe. Il se confie également sur son parcours qui fait de lui l’un des pionniers du cinéma marocain. Enfance entre bourgeoisie rurale et citadine, début de l’industrie du cinéma national, plongée dans la fiction sur grand écran, télévision, Nourredine Saïl ou encore Hassan II. Mohamed Abderrahmane Tazi révèle les étapes d’une carrière de près de 60 ans…
Vous avez achevé le tournage du film «Fatema, la sultane oubliée», consacrée à l’icone Fatema Mernissi. Expliquez-nous l’histoire de cette œuvre…
À la mort de Fatema Mernissi en 2015, des amis qui savent à quel point nous étions proches, ont commencé à formuler l’idée que je fasse un film sur elle. Ils savaient que j’ai passé beaucoup de temps à la filmer et qu’il y a donc matière à en faire quelque chose de spécial. Que ce soit chez elle, à l’improviste, ou à sillonner le Maroc lors de ses enquêtes de terrain, j’ai partagé beaucoup de temps avec Fatema. À ce propos, les sociologues avaient besoin, en ces temps d’années de plomb, d’autorisations pour leur déplacement. Croyez-moi, Fatema s’en passait bien pour faire ses enquêtes. J’ai beaucoup aimé voyager avec elle parce que ça me permettait de mieux explorer le milieu rural marocain, ce qui m’a servi en tant que cinéaste. Je l’ai vue dans son travail avec les tisseuses de tapis par exemple et elle avait cette sorte de mission en elle, celle de faire parler les femmes que personne n’écoute. Avec Fatema, j’ai également été à la rencontre des artistes peintre comme Chaïbia ou Fatna Lagbouri.
Avez-vous filmé ces artistes ?
Oui, bien entendu. Ces deux femmes ont beaucoup en commun. Nous sommes allés rencontrer Lagbouri dans son fief à Safi. Elle est également connue pour son style naïf et s’est mise à la peinture après avoir vu son fils s’y intéresser. Elle explique que grâce à la peinture, elle s’est interrogée sur sa façon de tisser les tapis. Elle a décidé de changer sa méthode en plaçant ses tapis à la verticale, au lieu de les garder au sol comme il est d’usage. Quant à la rencontre avec Chaïbia, c’est aussi grâce à Fateme Mernissi qui m’a, un jour, proposé de l’accompagner chez l’artiste. Evidemment, j’ai embarqué ma caméra et nous y sommes allés. J’ai donc filmé une discussion pleine d’humour et d’intelligence, entre ces deux grandes femmes. Un moment rare et précieux qui fera d’ailleurs l’objet d’une séquence insérée dans le film sur Fatema Mernissi. Pour le reste de mes tournages avec des artistes comme mon ami Mohamed Kacimi, ils feront l’objet d’un documentaire.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
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