Le nationalisme marocain est-il un mouvement sociopolitique comme un autre ? Son récit, en partie fait de légendes et d’exagérations, est-il le fruit d’un calcul délibéré ou le produit d’une exaltation passionnée d’une lutte pour l’indépendance ? Pourquoi ces légendes sont-elles encore aujourd’hui si tenaces ? Mostafa Bouaziz, historien spécialiste du mouvement national, revient sur la construction et l’objectif du récit national marocain, qu’il connait très bien…
Les mouvements sociopolitiques ont-ils tous besoin de construire des récits ou d’exagérer des faits dans le but de se promouvoir ?
C’est un phénomène tout à fait normal. Le grand historien britannique Eric Hobsbawm a réalisé une étude en ce sens. Dans son livre «Les Nationalismes», il a fait le tour du monde pour tenter de comprendre ce type de mouvements. Il explique que certains d’entre eux ne parviennent pas à réunir la ou les communautés autour de l’idée de nation. Ce sont les mouvements que l’on appelle protonationalistes. Ceux qui y parviennent, en revanche, finissent tous pas construire un récit national, soit une histoire qui raconte le combat pour la construction d’une nation. Bien entendu, parler de récit implique une construction narrative, donc une fiction.
La «rédaction» de ce récit est-elle totalement délibérée ou bien leurs auteurs le font d’une manière inconsciente, exaltés par le combat qu’ils mènent ?
Il s’agit probablement d’un mélange des deux. La force des mythes est qu’ils finissent par s’ancrer dans la réalité. Mais dans la majorité des cas, ce sont la passion et l’exaltation qui engendrent la création de ces légendes qui deviennent, avec le temps, des vérités intouchables. Il existe aussi des fois, où la réalité est volontairement travestie ou exagérée, par simple calcul politique. Dans le feu de l’action, il est souvent besoin de légitimer un acte. Prenons l’exemple du dahir dit berbère de 1930 ; il est vrai que les Français ont tenté de diviser les populations amazighes et arabes.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
Lire la suite de l’article dans Zamane N°111 (Février 2020)