J’ai longtemps ignoré les débats autour de la condamnation du Maroc par le Parlement de l’Union Européenne. Non pas parce que cela ne m’intéressait pas mais à cause surtout de la position des autorités marocaines qui souvent, au lieu d’informer, brandissent la méthode la plus contreproductive celle de la fuite en avant. J’ai lu et entendu des négations, des insultes et des justifications qui donnent l’impression qu’il y a anguille sous roche. À Rabat, on estime que « cette résolution s’inscrit dans le cadre des agressions et des tracasseries que subit le royaume de la part de ceux que le développement, la prospérité et la forte présence régionale et internationale du Maroc dérangent », rapportent les médias. On évoque l’Algérie, on évoque d’autres acteurs ennemis du Maroc, comme on les appelle, mais on n’informe pas. Je comprends qu’on ne veuille pas envenimer l’atmosphère et qu’on attende des issues aux problèmes. Certes, ceci s’appelle la diplomatie, mais c’est une diplomatie d’avant les années 2000. Aujourd’hui l’information s’accumule, génère d’autres informations et on se trouve souvent face à une jungle de propos impossible à débroussailler.
J’ai décidé de m’informer par mes propres moyens. Seulement voilà se sont les sites qui s’acharnent sur le Maroc qui écrasent horriblement la toile. Les médias marocains, non gouvernementaux, se démènent à contrecarrer une avalanche d’information qui vient de toute part, qui est reprise par les médians du monde et on se trouve dépassé à vouloir trouver une information fiable.
J’ouvre mon ordinateur, je tape Marocgate (c’est comme ça que les médias surtout français ont décidé d’appeler cette histoire), et je cherche une information pure non teintée de subjectivité ou d’acharnement personnel des journalistes. Là je me heurte à une chaîne d’informateurs semblable à celle que nous connaissons chez les rapporteurs de hadiths ou de l’historiographie arabe ancienne. « Un tel a dit à un tel qu’un tel a rencontré un autre qui lui a rapporté qu’un tel aurait rencontré quelqu’un… ». En clair, je lis dans le Monde, journal soi-disant indépendant même s’il a été créé par le Général De Gaulle lui-même, rapporte qu’un journal belge avait écrit que les juges belges seraient en train de préparer une condamnation du Qatar et qu’un juge ou avocat ou fonctionnaire du tribunal aurait dit, sans vouloir dévoiler son identité, qu’une enquête similaire serait en cours contre un autre pays, qui serait le Maroc. Résultats : je ne suis pas informé, mais les lecteurs ont retenu « le Maroc, comme le Qatar, est impliqué dans une affaire de corruption ». Vrai ou faux ? Le Maroc adopte une attitude civilisée, il attendra la fin de l’histoire pour déposer une plainte contre tous les médias qui ont raconté des mensonges. Où ?
À Paris !!! Le tribunal rejettera la plainte car dira-t-il il s’agit de la liberté de la presse. Mais l’image du Maroc n’en sortira pas indemne.
L’information, dans les sites, la presse écrite, les écrans de télévision, les antennes de radios, est tellement énorme qu’on ne pourra plus la contrecarrer. Dans un contexte informationnel comme celui que nous vivons aujourd’hui, il est difficile de rétablir une image entachée. Il s’agit d’un contexte qui facilite énormément les mises en récit des événements d’une manière spontanée. Il suffit d’incruster une information dans la chaîne des événements en cours pour que l’imagination des récepteurs s’occupe de générer le reste. Aujourd’hui, avec le phénomène des réseaux sociaux, il devient difficile, quand on balance un nom, une dénomination de l’éradiquer par la suite. Il faudra attendre longtemps avant que les scientifiques ne se penchent sur la question pour essayer d’y voir plus clair. Ce jour arrivera dans un an, dans dix ans, qui sait ? Mais qui les écoutera ?
Les médias français connaissent la recette, ils l’ont bien utilisée. La diabolisation d’un pays ou plutôt d’une personne qu’on intronise comme responsable du crime, et on laisse s’écrire le récit de lui-même.
Par Moulim El Aroussi, conseiller scientifique de Zamane