Qui connait la température des relations internationales ? Personne. Pire, il n’y a point de thermomètre. Le monde est changeant. Et les règles ? Bien savant qui le dira…
La force se substitue aux règles, et les caprices aux institutions. Certes, les états étaient toujours mus par leurs intérêts, mais faisaient semblant de se conformer à des règles. Aujourd’hui, avec cette phase de «grâce», conséquente à la réélection du président américain Trump Donald, on a déjà un avant-goût des vues les plus saugrenues, voire les plus fantaisistes, sur les rapports entre états, avec l’appropriation du canal de Panama, l’achat du Goéland, la mainmise sur Gaza après le «redéploiement» de ses habitants : euphémisme pour leur transfert, ou expulsion…
On n’arrête pas le progrès. L’embellie entre Washington et Moscou est de ces «break through» du temps actuel, qui vont changer le monde. Les grands stratèges américains avaient dit, lors du déclenchement de la guerre Russie-Ukraine, que toute victoire russe serait une défaite épistémologique (moins que stratégique) des états Unis, voire pour l’Occident.
On n’y est plus. Washington préfère négocier avec Moscou sur l’Ukraine, en l’absence de celle-ci. La rhétorique sur le maître de Kiev est des plus déroutantes. In fine, la guerre est un gouffre financier qui coûte, et l’Amérique n’a qu’à rembourser ce qu’elle avait dépensé. Intérêt stratégique ? Valeurs ? Pactes ? Tout cela sonne désormais faux. Ou ringard. Pauvre Europe livrée à elle-même, abandonnée par un de ses rejetons, et qui n’a droit qu’à des scènes d’humiliation et d’humour macabre. De quoi je me mêle ? Mais c’est un nouveau monde qui se profile et qui nous affectera par voie de conséquence. Il est tout de même déroutant, voire inquiétant, que le maître du monde bouscule toutes les règles, pour ne s’en tenir qu’à des considérations sonnantes et trébuchantes. Devrons-nous, naïvement, mettre tous nos œufs dans le panier d’Uncle Donald ? La question mérite d’être posée et nos officines, qui pensent la stratégie du pays, ne pourraient se payer le luxe de l’ignorer. Avec les alternatives, ou succédanés possibles.
On avait pensé que le populisme n’était qu’une affaire interne qui n’engage que les politiques internes, avec son arsenal de protectionnisme, souverainisme, puritanisme, et que sais-je encore ? On voit bien qu’une internationale populiste de droite se met en place, jetant par-dessus bord ce qu’on appelait, à Moscou, avec dédain, le collectif de l’Occident.
Mettons ces fantaisies sur le compte des 100 jours de «grâce». Consolons-nous en lisant Sophocle et recommandons sa lecture aux stratèges américains. Un roi qui s’égare, nourrit une Antigone qui se rebelle et une ville qui devient rétive. Selon Sophocle, c’est Antigone qui aura le dernier mot !
Par Hassan Aourid, conseiller scientifique de Zamane