C’est l’un des pionniers du cinéma marocain. Venu du documentaire et de la sociologie, principalement rurale, Latif Lahlou a aussi été biberonné aux idéaux communistes de Marx et Engels. Rencontre avec un artiste accompli, qui a toujours appelé à la contestation sociale, mais en mode pacifique et humaniste, sans autre armes que celles de la culture libre et sans frein.
Les cinéphiles généralement considèrent «Wechma», sorti en 1970, comme étant le premier vrai long-métrage de l’histoire du cinéma marocain. Pourquoi à votre avis, sachant que «Soleil de printemps», votre premier film, est sorti une année avant, en 1969 ?
D’abord, je vais vous dire : j’adore «Wechma», de mon ami et camarade de combat, Hamid Bennani. «Soleil de Printemps» a été tourné entre septembre et octobre 1968, monté, sonorisé et finalisé en 1969. Le film n’est pas sorti en salle car le distributeur considérait, à l’époque, qu’il «ne correspondait pas aux goûts attendus». Mais en fait, il y avait derrière cette attitude une autre explication : la pression du ministère de l’Information qui jugeait ce film «communiste», donc à bannir. Mon premier film est ainsi resté dans les tiroirs, avant de sortir au grand jour des années plus tard… Pour revenir à «Wechma», il avait reçu le prix Georges Sadoul. Résultat : il fit grand bruit au Maroc, notamment auprès des «gens qui savent», qui n’avaient pourtant même pas vu le film… «Wechma» reste en tout cas un chef d’œuvre par son thème, ses qualités techniques et l’intelligence de sa narration.
Avant de revenir au cinéma, parlez-nous de votre enfance…
Je suis né à El Jadida de parents issus de deux familles fassies bien trempées dans la culture bourgeoise de leur époque. Mon père, commerçant, tenait à nous inculquer un enseignement tourné vers la religion et ma mère, femme au foyer, nous a transmis une éducation moderne à laquelle elle tenait tant. Chaque matin, à l’heure du fajr, nous faisions la prière en commun, sous la conduite de mon père, puis s’en suivait une séance d’apprentissage du Coran au msid (école coranique) jusqu’à 7h15, en été comme en hiver.
Propos recueillis par Ghassan EL Kechouri
Lire la suite de l’interview dans Zamane N°170