Première voiture hybride de série au monde, la Toyota Prius roule déjà vers ses quinze printemps. L’âge d’une certaine maturité, à l’ère nouvelle des véhicules respectueux de l’environnement.
oyota Prius. Voilà une automobile qui, du haut de ses 14 années d’existence, mérite bien sa place dans nos colonnes. Et pour cause, elle est la première voiture de l’Histoire à avoir été produite et commercialisée en grande série avec une propulsion hybride. Par ce néologisme du jargon automobile, il faut comprendre la présence d’une double motorisation : l’une fonctionne à l’électricité, l’autre utilise un carburant. Fonctionnant en mode électrique pur ou en combinant les deux énergies, selon les conditions de conduite, le système de la Prius est révolutionnaire et unique au moment de sa sortie, en 1997. Mais la gestation du projet a démarré bien avant.
Une idée qui a bien germé
Si la Prius fait ses premiers tours de roue peu avant l’an 2000, sa genèse remonte à quelques décennies, plus précisément à… 1965 ! C’est cette année-là, en effet, que le constructeur nippon initie des études de faisabilité sur l’éventualité d’exploiter des turbines à gaz pour alimenter un moteur électrique animant une voiture. Une idée concrétisée 12 ans plus tard et matérialisée à travers la Toyota Sports 800 GT (pour Gas Turbine) Hybrid. Un petit coupé sportif combinant un moteur électrique et une turbine à gaz. Cette dernière entraîne un générateur électrique, lequel charge des batteries qui fournissent l’énergie à un moteur électrique de 30 kW (environ 41 chevaux) relié aux roues arrière. Les ingénieurs de la marque ont ainsi relevé un joli défi technologique : celui de mettre au point un véhicule alliant hautes performances et respect de l’environnement. Sauf que ce petit coupé est davantage considéré comme un bolide de compétition – et aussi d’expérimentation – qu’un véhicule confortable et polyvalent à même de séduire une clientèle de masse pour ses déplacements quotidiens. Un cahier des charges auquel répondra pleinement la Prius, première du nom.
Après un concept-car présenté au Salon de Tokyo de 1995, la version définitive de la Prius est fin prête à la vente en 1997. Son nom correspond à un mot latin, qui signifie « plus tôt » ou « en avance sur son temps ». Un patronyme loin d’être usurpateur vu que la Prius est pionnière du genre, ce qui va susciter autant l’intérêt de la clientèle que la curiosité de la concurrence. Sa technologie hybride dite THS (Toyota Hybrid System) combine un quatre cylindres 1,5 litre essence de 72 chevaux et deux moteurs électriques reliés à des batteries logées sous le plancher du coffre, qui se rechargent en roulant. Bien qu’utilisant l’essence comme source primaire d’énergie, l’ensemble parvient à conjuguer consommation modérée (environ 5 l/100km) et faibles émissions polluantes (120g/km de CO2). Ses débuts commerciaux, la Prius les fait d’abord et exclusivement au Japon, où elle rencontre un succès immédiat. Trois ans plus tard, elle est enfin exportée en Europe et en Amérique du Nord.
Des débuts timides en Europe
Introduite sur les principaux marchés du Vieux Continent en 2000, la Prius ne provoque pas l’engouement escompté, malgré toutes ses qualités. En cause, un prix d’achat élevé et une silhouette peu séduisante, en raison notamment du profil peu dynamique de sa carrosserie de tricorps (avec malle séparée). En Europe, seules quelque 700 unités seront livrées durant cette première année, contre environ 5800 sur le marché nord-américain et 12 500 au Japon. Pour autant, la filiale européenne de Toyota ne se décourage pas et maintient une pression commerciale et médiatique, visant également à lui conférer une étiquette écologique. Une image novatrice et flatteuse face aux autres constructeurs. Mais il faudra attendre la seconde génération de ce modèle pour voir enfin ses ventes mondiales décoller.
Dévoilée en 2003, la Prius II inaugure la technologie Hybrid Synergy Drive (HSD). Un système qui, outre un rendement environnemental accru, met l’accent sur les performances du véhicule. Le moteur électrique ne se borne plus à jouer un rôle d’auxiliaire au bloc thermique, comme auparavant, mais devient un véritable vecteur de puissance. Cette fois, la mayonnaise – verte – prend. En 2004, les ventes de la Prius décollent en Europe (8100 unités) et s’envolent en Amérique (55 900). Il faut dire que son architecture a changé, évoluant vers une ligne bicorps et donc dotée d’un hayon. Mais ce n’est assurément pas sa plastique qui lui a permis de collectionner une kyrielle de trophées. Les premières récompenses saluent le système hybride, qui est sacré « Moteur international de l’année 2004 », entre autres. À la fin de la même année, la Prius décroche le titre très convoité de « Voiture de l’année 2005 » en Europe. Suivront diverses mentions d’excellence lors des enquêtes régulières que mène le très sérieux bureau d’études J.D Power & Associates, portant sur la satisfaction des consommateurs, ainsi que la qualité et la fiabilité des véhicules.
Au total, la Prius a raflé plus d’une vingtaine de distinctions internationales depuis son lancement mondial en 2000. Parallèlement, l’écologie est devenue une préoccupation importante aux yeux de l’opinion publique et la « Priusmania » a pris de l’ampleur chez les automobilistes.
La barre du million
Si bien que, en avril 2008, la Prius passe le cap du million d’exemplaires vendus dans le monde depuis son lancement. Au-delà de ces chiffres, la Prius a gagné en prestige, devenant le must-have de toute une classe sociale. Surtout aux Etats-Unis où elle est plébiscitée par plusieurs stars telles que Cameron Diaz, Julia Roberts, Demi Moore, Claudia Schiffer, Leonardo Di Caprio et Dustin Hoffman, ou encore le chanteur engagé Sting. Une popularité sur laquelle peut largement capitaliser la troisième génération du modèle, qui prend le relais en 2009, avec un moteur encore plus puissant. L’année suivante, les ventes de la Prius franchissent le seuil des 2 millions d’unités écoulées. Saluée par la presse spécialisée, l’hybride japonaise mérite bien ses louanges et représente une formidable vitrine technologique pour la marque. En effet, la Prius regorge de sophistications, plus qu’aucun autre modèle Toyota. Cela va de l’affichage tête haute sur le pare-brise à la caméra de stationnement, en passant par le fameux toit solaire qui alimente la climatisation télécommandable à distance ! Des friandises high-tech désormais disponibles dans le royaume puisque, il y a quelques semaines, l’importateur marocain de Toyota a officiellement lancé la Prius III, avec l’ambition modeste mais louable de séduire quelque 150 acheteurs. Mais les efforts de Toyota ne s’arrêtent pas là. Avec les développements qu’elle a connus ces dernières années et qui devraient se poursuivre (miniaturisation, autonomie…), la pile à combustible apparaît de plus en plus viable, à moyen terme, pour une production à grande échelle. La technologie 100% électrique pourrait ainsi remplacer progressivement le moteur à combustion à l’horizon 2020. En attendant, l’ingénierie Toyota est déjà prête à relever ce défi, toujours avec la Prius, mais dans sa version Plug-In Hybrid ou rechargeable. Cette dernière, encore au stade de l’expérimentation, pourrait être commercialisée dès 2012. À coup sûr, elle révolutionnera l’espèce une nouvelle fois. Pouvant être branchée sur secteur, il sera possible de la recharger totalement à la maison… en une heure et demie seulement.
Par Alain Delaroche