Abdelkader Retnani a rendu son dernier souffle, le 14 novembre dernier, à l’âge de 78 ans. Connu surtout pour être l’un des éditeurs marocains les plus influents de sa génération, le patron de la «Croisée des Chemins» a vécu une vie dictée par ses passions, notamment celle du football. Bref récit d’un destin hors du commun…
Abdelkader Retnani est né le 31 juillet 1945, «un an, jour pour jour, après la mort de l’une des mes idoles, Antoine de Saint-Exupéry». Comme l’aviateur et écrivain français, l’entrepreneur marocain est assoiffé de liberté et «boulimique des livres», comme il le racontait à Zamane dans un entretien paru dans le numéro 118, dans lequel il confie sans ambages son parcours qui l’a mené du monde de l’entreprise, à celui du football, avant de plonger éperdument dans celui du livre. Alors qu’il était destiné à suivre les pas de son paternel dans le domaine du commerce, notamment celui de l’import export, Abdelkader Retnani va plutôt agir à l’instinct, tout au long de sa carrière. Il acquiert une première visibilité lorsqu’il se retrouve propulsé, au milieu des années 1980, à la tête de l’un des clubs de football les plus emblématiques du royaume. L’occasion pour lui de concrétiser son histoire d’amour avec le Rajaa de Casablanca, «transmise comme un héritage par mon père». Une histoire qui n’a pourtant rien d’un long fleuve tranquille : «Lorsque je débarque au club, l’équipe était en danger, à la 14ème place du classement. Je peux vous garantir qu’en cas de descente en deuxième division, mon intégrité physique aurait été menacée». Heureusement, Retnani parvient non seulement à éviter le désastre mais réussi à faire décrocher à son équipe un titre de champion national et un autre à l’échelle continentale en 1989. A la suite de quoi, «il était temps de passer la main et de me consacrer pleinement à mon autre métier».
L’occasion de se consacrer pleinement à une autre de ses passions, le livre. Enfant déjà Abdelkader Retnani rappelait qu’il fréquentait «assidument un petit kiosque non loin du local commercial de mon père au Marché Central. Le bouquiniste me laissait emprunter des livres que je lui rendais après lecture». Un virus qui ne le quittera plus et qui deviendra, au début des années 1990, l’essentiel de ses activités «alors que je déposais les statuts de la future entreprise, j’ai croisé la route d’un ami libraire qui souhaitait monter une société d’édition internationale. J’étais, c’est le cas de le dire, à la croisée des chemins». Le nom de la nouvelle entité, fusionnée avec la maison d’édition Eddif, est donc tout trouvé. Pour lui, le combat pour la promotion du livre au Maroc doit être livré dès le départ : «L’amour du livre n’est plus transmis aux enfants et c’est une catastrophe. Comment voulez-vous qu’un jeune s’intéresse à la lecture alors même qu’il ne s’est jamais plongé dans la magie du livre lorsqu’il avait cinq ans ?». Depuis lors, Retnani aura, sous sa supervision, permis l’édition de plus de 600 titres essentiellement en français et en arabe. Ceux relatifs à l’Histoire du Maroc, ont bénéficié de son soutien et de sa passion pour la chose culturelle marocaine. Abdelkader Retnani a aussi été consultant, notamment auprès de l’Agence intergouvernementale de la francophonie et l’UNESCO. En 2015, il a été nommé président de l’Union des éditeurs du Maroc. Avec sa disparition, c’est une page majeure du livre marocain qui se tourne.