Les historiens qui ont travaillé sur le commerce saharien entre le Maroc et le bilad al-Sudan se sont rarement intéressés au commerce du livre entre les deux rives du grand désert. Pourtant, au début du XVIème siècle, nous dit Léon l’Africain, le livre en tant qu’article d’échange rapportait plus de bénéfices que tout le reste des marchandises. Portrait d’un lettré marocain qui a fait du livre une vocation au cœur du Sahel.
En examinant les collections des manuscrits arabes encore préservés dans les bibliothèques mythiques de Tombouctou on est vite frappé par la prédominance du manuscrit marocain, car on ne peut rater le magnifique style d’écriture marocain qui fait la richesse de ces bibliothèques. Ceci veut dire que le livre marocain avait toujours joui de l’estime auprès du public lettré de Tombouctou et de la région du Soudan occidental en général. L’explication est simple. Depuis l’islamisation de cette région le Maghreb et le Soudan ont toujours partagé les mêmes références en matière de doctrine religieuse et de dogme : le malikisme associé à la théologie acharite. En effet, en examinant le cursus suivi par l’étudiant marocain à la Qaraouiyine et celui adopté par les mosquées de Tombouctou on est frappé par la grande similitude des matières d’enseignement. Ce qui voulait dire que les étudiants et les enseignants à Tombouctou, et ailleurs dans les pays du Sahel, allaient se tourner vers Fès et Marrakech pour s’approvisionner en manuels scolaires et autres références de l’Islam malikite.
Ahmed Ben Mbarek Benbarka, plus connu sous le nom de Boularaf, est né en 1884 à Goulimine qui constituait encore la porte du commerce transsaharien. Après avoir reçu une formation dans les sciences de la religion selon le cursus traditionnel, Boularaf émigra vers le sud pour s’installer pour quelque temps au Sénégal, puis dans le sud de la Mauritanie. Avant de s’établir en 1904, et pour de bon, dans la ville de Tombouctou. Cette ville du Mali, occupée par les armées françaises depuis 1893, continuait à drainer une partie non négligeable du trafic caravanier et Boularaf comptait bien en profiter.
Par Mohammed El Mansour
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