Sur ordre du sultan Moulay Abderrahmane, une ambassade marocaine extraordinaire quitte Tétouan pour Paris en décembre 1845. Dirigée par le pacha Ash’âsh, elle a pour secrétaire le faqih Mohamed As-Saffâr. C’est sous la plume de celui-ci que nous découvrons le récit de ce voyage en terre ennemie.
Si le récit de voyage du fqih As-Saffâr ne dévoile nullement les raisons pour lesquelles le sultan Moulay Abderrahmane a dépêché une ambassade dans la France de Louis-Philipe, tout porte à croire que les émissaires marocains ont été chargés d’analyser les causes de la puissance de la France qui règne alors sur l’Algérie voisine. En effet, en 1845, la situation politique du Maroc est inextricable. L’empire chérifien a assisté, impuissant, à la prise d’Alger en 1830, a perdu la bataille d’Isly devant les Français en 1844 et fait tout pour échapper à l’emprise des puissances impériales depuis ces deux dates. La défaite d’Isly, plus particulièrement, a provoqué un choc terrible dans tout le royaume. Le Maroc, qui n’avait pas été battu une seule fois sur son territoire depuis plus de deux cents ans, a du jour au lendemain perdu sa réputation militaire. De nombreux passages de la rihla (récit de voyage) d’As-Saffâr révèlent une connaissance des véritables rapports de force qui lient le Maroc et la France à cette période : «Sois conciliant si tu ne peux entrer en guerre, déclare le voyageur. Va vers l’ennemi avec un visage souriant / Mais si son monde bascule, change d’attitude».
Par Saloua El Oufir
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