Elle n’a encore que 44 ans mais Hasna Abouzaid est une femme pressée. L’étoile montante de l’USFP, parti pour lequel elle a siégé au Parlement entre 2011 et 2016, s’impatiente de réformer sa formation politique. Elle revient aussi sur un héritage familial complexe, son étiquette affichée de «Sahraouia», et son rejet de l’infantilisation de la femme politique. Fine connaisseuse du dossier du Sahara, elle milite pour un dialogue direct avec le Polisario qu’elle considère comme nécessaire au plan d’autonomie marocain. Entretien sans ambages avec une nouvelle figure du parti de la rose qui, cette fois, ne manque pas de piquant…
Vous revendiquez aujourd’hui votre identité sahraouie. Comment vous a-t-elle façonnée ?
Je dois ce que je suis devenue au milieu dans lequel je suis née. À cet égard, je me considère comme très chanceuse. Je suis le fruit de ce que le Maroc peut incarner comme formidable mosaïque. Mes parents sont des Sahraouis Tekna, une confédération de tribus du sud. Mes grands parents sont des banou maâquils jaâfarites arabes et la lignée maternelle sont des Amazighs de Iddi Azza Ou Ihda, descendants directs des Almoravides. Nous étions parmi les premières familles à se sédentariser dans la région, et ce dès la seconde moitié du XVIIIème siècle. Notre tribu, celle des Aït Moussa Ou Ali, a la particularité d’être composée de Senhajas amazighs et de Maaqils arabes. Contrairement aux croyances, une tribu n’est pas une classification ethnique, la mienne abritait d’ailleurs près de 500 kanouns (ménages) juifs. Plus largement, je peux situer mes origines familiales sur un vaste périmètre géographique qui s’étend de l’Oued Noun jusqu’aux terres d’Atar en Mauritanie, et même jusqu’à Tombouctou au Mali.
Que savez-vous de votre histoire familiale et tribale ?
Nous avons pu retracer le fil de notre histoire coloniale et précoloniale grâce, notamment, aux publications du Centre Jacques Berque qui a pu archiver les écrits de l’officier savant Robert Montagne, du centre Paul Pascon également, et ceux de Maurice Barbier. Nous y apprenons d’abord que pendant la période de Siba, qui a duré jusqu’en 1935, date à laquelle l’armée française à pénétrer Guelmim, notre famille avait la charge d’assurer la sécurité dans la région. D’ailleurs, nous sommes probablement le dernier territoire marocain dit pacifié. Nous avions également tissé des relations commerciales importantes en direction des régions subsahariennes et des puissances étrangères notamment à l’époque du Cheikh Beirouk, puissant personnage de notre tribu au début du XIXème siècle. Grand commerçant d’or, de sel et de gomme arabique, il est à l’origine de la fondation du comptoir de Tarfaya et ses activités s’étendaient jusqu’à Mogador. Essaouira en garde toujours la trace aujourd’hui.
Propos recueillis par Sami Lakmahri
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